C’est la polémique qui a agité les acteurs des mobilités alternatives au pétrole ces derniers jours : une étude publiée le 19 septembre par l’ONG Transport & Environnement « Do gas trucks reduce emissions? » a sévèrement remis en cause les avantages environnementaux du GNV[1]. Dans cette étude, qui s’appuie sur les recherches de l’organisme hollandais TNO[2], Transport & Environment (T&E) estime que les camions roulant au GNL[3] émettraient jusque 5 fois plus d’oxydes d’azote (NOx) que le diesel le moins polluant. Quant aux émissions de particules fines et de CO2 (du puits à la roue), elles seraient identiques à celles des véhicules diesel. Les incitations fiscales et les subventions en Europe en faveur de la mobilité au gaz ne seraient donc pas justifiées.
La réaction de la filière « gaz véhicules » ne s’est pas faite attendre, aussi bien en France qu’en Europe. Dans un communiqué, l’AFGNV (Association Française du Gaz Naturel Véhicules) estime que l’analyse de T&E, « qui soutient la mobilité électrique », s’appuie sur une « utilisation tronquée des résultats de l’étude de TNO ». Il est vrai que dans son étude, TNO précise qu’aucune conclusion définitive ne peut être tirée de ses mesures, les véhicules au gaz et au diesel ayant été testés dans des conditions très différentes, et avec un nombre trop limité d’expérimentations et de camions -ce que T&E a ensuite contesté. L’AFGNV déplore notamment le fait que les mesures sur les camions au GNV ont été faîtes en ville, alors que ces camions sont utilisés pour le transport de marchandises longue distance.
D’après la filière, la mobilité au GNV permet bien de réduire jusque 66% des émissions d’oxyde d’azote. L’AFGNV s’appuie notamment sur une expérience menée en partenariat avec l’ADEME en 2017, qui a démontré un gain de 43 à 66% d’émissions de NOx par rapport à des camions diesel, avec 6 véhicules testés et 1 million de kilomètres parcourus. Idem sur les particules fines et les émissions de CO2, avec une réduction des émissions de carbone de plus de 20% du puits à la roue, et jusque 80% avec du bioGNV.
Derrière cette guerre des chiffres, c’est bien la compétition entre l’électricité – y compris l’hydrogène – et le gaz qui se joue pour remplacer le pétrole dans le transport de personnes et de marchandises, avec pour horizon la neutralité carbone des transports à horizon 2050. Dans un contexte général de diminution de la demande en énergie, conjugué au besoin de modernisation et de renouvellement des infrastructures (centrales, réseaux, avitaillement…), la mobilité constitue un terrain de conquête parfois vital. Pour la filière gaz, il s’agit notamment de développer un usage qui assure des débouchés réguliers, toute l’année aux producteurs de biométhane, puisque ces derniers ont entre les mains la décarbonation – et donc la survie – du secteur (voir notre étude sur le sujet).
La bonne nouvelle pour les acteurs des filières électrique et gazière, c’est que le gâteau « transports et mobilités » est si grand que chacun est assuré d’en avoir une part. En effet, les cas d’usages sont si différents qu’en l’état des technologies sur le marché ou en émergence, aucune ne pourra satisfaire l’ensemble de la demande. Par exemple, pour les déplacements en voiture, les solutions électriques (hybrides et tout électriques) ont une longueur d’avance, que cela soit d’un point de vue environnemental ou d’infrastructures de charge. En revanche, pour le transport longue distance de marchandises sur route, la mobilité au (bio)GNV semble, aujourd’hui, la plus pertinente. Et toujours à titre d’exemples, des solutions innovantes restent à construire et à industrialiser pour le fret maritime ou encore le remplacement des locomotives au diesel.
La demande de mobilités ne cesse de croître : toutes les solutions qui concilient exigences environnementales et compétitivité économique sont, pour l’instant, les bienvenues…
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[1] Gaz Naturel pour Véhicules
[2] Organisation pour la recherche scientifique appliquée
[3] Gaz Naturel Liquéfié, une des formes du GNV