Le secteur des transports est le premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre (GES) de la France avec 31% des émissions en 2019. Il affecte également la qualité de vie et la santé de nombreux Français (nuisances sonores, pollution de l’air…). Le développement des véhicules électriques et/ou hybrides rechargeables est une priorité pour réduire ces impacts. A l’inverse des véhicules thermiques, les immatriculations de véhicules électriques enregistrent ces derniers mois, et malgré la crise sanitaire, un boom inédit avec une progression de 130% des immatriculations en 2020 par rapport à 2019. Le parc automobile français pourrait ainsi comporter plus d’1 million de véhicules électriques et hybrides rechargeables en 2022.
Afin de suivre cette augmentation, le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge doit être accéléré. Aujourd’hui, la majorité des points de charge [1] sont soit en entreprise pour recharger les voitures des salariés ou la flotte d’entreprise, soit chez les particuliers en habitat collectif ou individuel. Or, ceux-ci ne peuvent suffire. Lors de déplacements, il est très probable d’avoir besoin de recharger son véhicule sur le trajet, donc sur un point de charge public. Ces points publics sont d’autant plus importants que l’autonomie des véhicules électriques est plus faible que celle des véhicules thermiques et peut constituer un frein à l’achat d’un véhicule électrique.
Des solutions techniques existantes satisfaisantes
Les bornes de recharge publiques existantes aujourd’hui sont classées selon leur puissance et donc le temps de charge de la batterie, répondant ainsi à des usages et besoins différents :
Elles se répartissent sur trois types de lieux :
- la voie publique (42 % du parc actuel)
- des parkings en ouvrage gérés par un concessionnaire comme Vinci ainsi que les parkings de station d’autopartage (37 % du parc actuel)
- les parkings de centre commerciaux, les stations services, les hôtels ou les restaurants (21% du parc actuel)
Pour chacun de ces emplacements, des solutions relativement simples d’installation et d’utilisation (raccordement, comptage, facturation) ont été mises en place par les acteurs concernés qui ont fait du développement des véhicules électriques une priorité (distributeurs et fournisseurs d’électricité, fabricants de bornes de recharge, etc.). Par exemple, depuis l’installation d’ampoules LED basse consommation sur les candélabres publics, une réserve d’énergie s’est dégagée et peut être utilisée pour alimenter les bornes situées sur la voie publique (voir schéma ci-dessous). Cette solution présente l’avantage de ne pas nécessiter d’adaptation technique du réseau mis à part la pose d’un compteur qui pourra sous-compter sur le réseau public d’éclairage.
Quant aux entreprises privées (hôtels, restaurants par exemple) disposant de bornes sur leurs parkings, des solutions de pilotage de la charge (favorisées par l’installation des compteurs intelligents) leur permettent généralement de gérer leur consommation et de ne pas modifier leur abonnement électrique.
Un parc insuffisant pour suivre le boom des véhicules électriques et hybrides
Malgré l’absence de difficulté majeure au niveau technique, la France ne comptait encore en novembre 2020 que 29 000 points de charge, un chiffre en stagnation depuis un an.
Si ce parc parait à date au niveau national suffisant par rapport au nombre de véhicules aujourd’hui en circulation (la moyenne actuelle en France est d’un point de charge public pour 9 véhicules électriques ou hybrides [2] ), la situation est contrastée selon les régions : Ile de France et Corse n’ont pas assez de points de charge publics et les régions en rose clair dans la carte ci-dessous sont d’ores et déjà limites alors que les ventes de véhicules électriques connaissent un boom depuis quelques mois.
Mais surtout, le parc actuel de bornes est aujourd’hui insuffisant au regard du développement attendu de la mobilité électrique. Les dernières prévisions envisageant 1 million de véhicules électriques ou hybrides rechargeables en 2022, 100 000 points de charge publics doivent être déployés pour accompagner cet essor. D’où cette cible fixée à horizon 2022 par le gouvernement.
Les acteurs publics assument leur responsabilité pour assurer un déploiement massif des IRVE
Pour accélérer le mouvement, ce dernier a récemment annoncé de nouvelles mesures, notamment le renforcement du programme ADVENIR pouvant prendre en charge jusqu’à 60 % du coût d’une borne. Ce programme finance le développement de bornes de recharges sur le domaine public ou en habitat collectif via les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) [3].
Au-delà des chiffres nationaux, l’observation des chiffres région par région nous rappelle qu’atteindre l’objectif quantitatif n’est pas une fin en soi : les points de charge installés doivent l’être au bon endroit. Le nombre de bornes installées doit être en adéquation avec le nombre de véhicules électriques pouvant circuler dans la zone et avec l’utilisation qui en sera faite (charge accélérée, normale, en déplacement ou à domicile…). Il est donc essentiel que l’installation des points de charge publics soit pilotée de manière cohérente aux niveaux national et régional.
A ce titre, Enedis souligne le rôle des schémas directeurs IRVE à élaborer par les collectivités territoriales et les syndicats d’énergie et le besoin d’accélération de l’équipement en infrastructures de recharge dans le résidentiel collectif. Le distributeur se positionne en facilitateur sur ces sujets [4].
Le déploiement de points de recharge rapide pour les longues distances, notamment sur autoroute, est le dernier axe identifié par les acteurs du secteur pour faciliter l’usage des véhicules électriques. Ces points indispensables pour rassurer les automobilistes représentent des travaux longs et parfois complexes et coûteux à réaliser. Les concessionnaires autoroutiers, les sous-concessionnaires en charge des stations services et les constructeurs automobiles ont avancé leurs pions pour garantir le cadre réglementaire et économique nécessaire pour couvrir ces investissements importants. Une réponse a été apportée avec un décret qui impose l’installation d’ici le 1er janvier 2023, sur toutes les autoroutes et sur les routes nationales, de stations de recharge rapide. Dans le cadre de France Relance, une enveloppe de 100 millions d’euros a été dégagée pour garantir des subventions publiques aux opérateurs privés de 10 à 30% des coûts d’installation, voire 40% dans certains cas.
Après l’annonce des 100 000 points de charge, ce décret semble aller dans le bon sens pour aider au financement d’une activité de charge qui ne sera pas rentable avant longtemps. Les pouvoirs publics, nationaux et territoriaux, se sont ainsi saisis sérieusement du sujet. Après les déconvenues de Izivia, filiale d’EDF ou les conflits entre Ionity et son actionnaire Volkswagen, les acteurs privés devraient, espérons le, pouvoir desormais prendre le relais dans de bonnes conditions. Total a déjà annoncé sa volonté de déployer 100 stations sur autoroutes d’ici la fin de l’année, 300 d’ici 2023.
[1] Une borne de recharge peut comporter un ou plusieurs points de charge. Ces points de charge, qu’ils soient sur le domaine public ou privé, sont constitués d’un socle de prise sur lequel un véhicule électrique peut se brancher.
[2] L’Union européenne recommande un point de charge pour 10 véhicules électriques ou hybrides rechargeables, ce chiffre donné à titre indicatif permettrait de limiter les chances de tomber en panne de batterie sans avoir la possibilité de la charger à proximité sur un point de charge public. Cette crainte serait l’un des principaux freins à l’achat des véhicules électriques.
[3] Les énergéticiens doivent accumuler un nombre de CEE proportionnels à leur nombre de consommateurs. Ils les obtiennent notamment en finançant des programmes comme ADVENIR ou en incitant leurs clients à effectuer des économies d’énergie.
[4] Enedis vient de nommer un nouveau Directeur Mobilité Electrique qui a présenté les 3 volets des actions du distributeurs pour favoriser le développement de la mobilité électrique