Le Parlement européen a envoyé un signal clair à la Commission européenne dans le cadre des débats en cours sur l’Union de l’énergie : le consommateur doit pouvoir prendre le pouvoir. Les Eurodéputés ont en effet largement adopté jeudi 26 mai un rapport présenté par Theresa Griffin (députée britannique du groupe Socialistes et Démocrates) sur la « Nouvelle donne pour les consommateurs d’énergie ». Cette résolution, non législative donc non contraignante, contient un certain nombre de propositions, qui, si elles étaient appliquées, auraient des conséquences importantes sur le fonctionnement du marché de l’énergie.
Dénonçant l’échec du 3ème paquet énergie, qui n’a pu rendre le marché de l’énergie plus concurrentiel et transparent, les députés souhaitent remettre le consommateur au centre d’un marché décentralisé, axé sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, en lui donnant des moyens d’agir (empowerment). 3 axes sont particulièrement développés :
Permettre au consommateur de comprendre et utiliser les données énergétiques à sa disposition pour plus d’efficacité énergétique
La résolution souhaite que les consommateurs puissent consulter rapidement et facilement, non seulement, « leurs données de consommation » mais également « les coûts y afférents ». Cette proposition impliquerait que les informations de consommation puissent être affichées en Euros, et non simplement en kWh, comme c’est le cas aujourd’hui en France sur les espaces clients GRDF et Enedis pour les clients équipé Gazpar ou Linky. Le Parlement appelle d’ailleurs clairement de ses vœux le déploiement des compteurs intelligents dans l’ensemble des pays européens, ces derniers étant pour eux des outils indispensables aux consommateurs.
Allant plus loin, la résolution préconise que les gestionnaires des réseaux de distribution (qui « ont l’accès à l’historique de consommation des ménages ») et les exploitants d’outils de comparaison indépendants « collaborent avec les régulateurs » afin de « fournir en amont aux consommateurs des comparaisons des offres » des fournisseurs. L’objectif étant pour le consommateur de savoir s’il pourra « faire des économies en changeant de fournisseurs ».
Concernant la collecte, le traitement et le stockage des données, le rapport préconise qu’ils soient gérés par des entités pouvant faire preuve de non discrimination et respectant la législation européenne en vigueur sur la protection de la vie privée. En tout état de cause, le consommateur doit pouvoir être le maître de ses données et de leur utilisation. On retrouve là le débat actuel en France autour de la définition d’un opérateur des données énergétiques indépendant, ce rôle pouvant être potentiellement endossé par différents acteurs (la Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et en Régie, le distributeur, une agence de l’Etat, etc.).
Faire du consommateur un autoproducteur et autoconsommateur d’énergies renouvelables
Pour favoriser l’autoconsommation et l’autoproduction, les Etats membres sont invités à mettre en place des régimes de relevés de la consommation nette. Les procédures administratives d’autorisation devront également être réduites et simplifiées pour faciliter l’accès au marché et au réseau. La résolution invite enfin à mettre en place des guichets uniques qui traiteraient des autorisations de projets relatifs à l’autoproduction d’énergies renouvelables et apporteraient une expertise financière et technique.
En France l’autoconsommation a également le vent en poupe et est encouragée. Enedis a ainsi récemment annoncé qu’elle installera dès le 1er janvier 2017 des compteurs communicants à tous les nouveaux clients désirant auto-consommer une partie de leur production tout en injectant le surplus de leur énergie produite mais non consommée sur le réseau d’électricité. Les consommateurs n’auront ainsi plus besoin, comme c’est le cas aujourd’hui, de s’équiper, à un coût parfois élevé, d’un deuxième compteur, bénéficiant d’une baisse de 600 € TTC en moyenne sur le coût de raccordement de l’installation de production.
Lutter contre la précarité énergétique
La résolution plaide pour une coordination européenne renforcée dans la lutte contre la pauvreté énergétique, une large définition commune de ce concept, ainsi que pour le développement de tarifs sociaux transparents. Elle souhaite également que tous les bénéfices issus des données de consommation collectées puissent être accessibles à tous, y compris aux consommateurs n’ayant pas de compétence spécifique ou d’accès à internet.
Toutes ces recommandations ne sont bien entendu encore que des propositions qui visent à nourrir le débat et influencer les propositions que la Commission fera à la fin de l’année. Elles sont en tout cas révélatrices de la position unanime des parlementaires européens pour des changements forts en faveur des consommateurs. On sait toutefois par expérience que les propositions de la Commission, parce qu’elles cherchent un compromis entre les différents états membres, vont rarement aussi loin que celles du Parlement. Réponse à l’automne.
La mise en œuvre de l’Union européenne de l’énergie :
Dans le cadre de la mise en œuvre de l’Union européenne de l’énergie, dont le cadre stratégique a été défini en février 2015, la Commission européenne doit présenter d’ici la fin de l’année une série de textes législatifs importants. Le vice-président de la Commission Maroš Šefčovič a ainsi annoncé que l’exécutif européen présenterait des propositions législatives en septembre sur l’efficacité énergétique et la conception du marché, qui seront suivies d’une proposition législative concernant les énergies renouvelables, d’un rapport sur les prix de l’énergie, et de propositions en 2018 en faveur d’un observatoire de la précarité énergétique.
— Pour aller plus loin :
Le rapport complet de Theresa Griffin, comprenant la résolution adoptée par le Parlement, l’avis de la Commission et le résultat des votes
La communication initiale de la Commission intitulée également « Nouvelle donne pour les consommateurs d’énergie » qui avait pour but en juillet 2015 de lancer un débat, en amont des propositions législatives à l’automne
Le site officiel de la Commission sur l’Union de l’Energie