Ségolène Royal a été nommée ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie le mardi 2 avril 2014 et a pris ses fonctions dans la foulée. Elle sera numéro trois du gouvernement formé par Manuel Valls, après Laurent Fabius. Cette nomination marque le retour en grâce d’une figure politique majeure des deux dernières décennies. Elle a la responsabilité de préparer la loi sur la transition énergétique, une des promesses phares du quinquennat. Son parcours, ses prises de positions et sa personnalité feront-ils la différence par rapport à ses trois prédécesseurs depuis 2012 (un record) pour mener à bien une loi très attendue par les acteurs économiques et les ONG ?
Une femme de caractère à la carrière bien remplie
Lors de sa nomination, François Hollande a déclaré que sa « qualité fondamentale, c’est qu’elle est très obstinée, très entêtée, par moment même très obsessionnelle par rapport aux dossiers qu’elle traite donc je lui fais confiance pour traiter comme il faudra les dossiers de l’environnement »… C’était en 1992 lors de sa nomination à la tête du ministère de l’Environnement sous Pierre Bérégovoy.
Depuis, sa détermination lui a permis de poursuivre une carrière politique remarquable, en tant que députée, présidente de la région Poitou-Charentes depuis 2004, et ministre sous Lionel Jospin entre 1997 et 2002. Elle est ensuite candidate à l’élection présidentielle en 2007 et la première femme politique française à rassembler autant de suffrages sur son nom. Ce fut ensuite le temps des défaites, d’abord aux primaires PS en 2011, puis aux législatives de juin 2012 à La Rochelle.
Elle se consacre alors entièrement à ses fonctions de présidente de la région Poitou-Charentes, jusqu’à cette résurrection politique : dans le cadre du remaniement, son poids politique en a fait un atout incontournable pour François Hollande.
Une habituée des questions écologiques
Ségolène Royal est familière des questions écologiques depuis son premier portefeuille au sein du gouvernement Bérégovoy : elle est l’instigatrice de la loi sur la pollution sonore et de la loi sur le recyclage des déchets visant à fermer plus de 6000 décharges en 1992, ainsi que de la loi sur les paysages en 1993 qui oblige à prendre en compte l’impact sur le paysage de toute nouvelle construction. Elle représente également la France au sommet de la Terre en 1992 à Rio.
En tant que présidente de la région Poitou-Charentes, l’environnement a été un des axes majeurs de sa politique avec notamment son soutien à la mobilité électrique dans le cadre d’un partenariat très médiatique avec Heuliez. Elle a également mené une politique en faveur de la filière solaire, dans le cadre d’un plan régional en partenariat avec la BEI, et subventionné les logements sociaux en bois.
Les associations environnementales, comme Greenpeace, sont plutôt satisfaites de sa nomination. Ils soulignent son poids et son expérience politique, un atout important face à des candidats verts, et qui a manqué à ses prédécesseurs sous la mandature Hollande pour s’imposer face à d’autres ministres et à des acteurs économiques puissants sur les thèmes de la transition énergétique. L’ONG estime qu’elle “a par le passé adopté et défendu des positions plutôt claires et ambitieuses sur les questions environnementales et énergétiques”.
Son ministère est similaire à celui de Jean-Louis Borloo en 2008 car il comprend l’énergie, mais elle n’aura pas le titre de ministre d’Etat. De plus, elle sera amenée à collaborer avec Sylvia Pinel, au Logement, et avec Najat Vallaud-Belkacem, qui a récupéré la Ville, dans ces deux domaines cruciaux de la transition énergétique.
L’agenda de Ségolène Royal
L’agenda de Ségolène Royal sera dans la lignée de ses prédécesseurs. Tout comme pour Nicole Bricq, Delphine Batho et Philippe Martin, quelques mésententes sont prévisibles avec le nouveau ministre de l’Economie, Arnaud Montebourg, favorable au nucléaire, « filière d’avenir » et au gaz de schiste et qui oppose parfois l’environnement aux enjeux de croissance et d’emploi. Elle a cependant déjà vécu cela il y a vingt ans, lorsqu’elle était en conflit avec DSK, alors ministre de l’Industrie dont la préférence allait également aux intérêts économiques.
En 2007, Ségolène Royal avait centré sa campagne sur l’écologie et souhaitait par exemple une fermeture de l’EPR de Flamanville sans débat public. En 2011, elle préconisait une sortie progressive du nucléaire en 40 ans qu’elle n’hésitait pas à qualifier « d’énergie d’appoint ».
En revanche, la fiscalité écologique n’est pas son cheval de bataille, contrairement aux Verts, car elle estime que cela pénalise surtout les ménages les plus modestes. Ayant critiqué la contribution énergie-climat de Fillon, elle a ensuite implicitement défendu les Bonnets rouges récemment et n’envisage pas une écotaxe poids lourds sans compensation. Le 3 avril, juste après sa prise de fonction, elle a déclaré être en faveur d’une « remise à plat de l’écotaxe » en réitérant son refus d’une « fiscalité punitive ».
Dans le même esprit, elle est très pragmatique sur la question du diesel et jugerait contradictoire de pénaliser les Français après « des années » de promotion de ce type de véhicule.
Son soutien à la construction de l’aéroport Notre-Dame-de-Landes manque d’enthousiasme bien qu’elle ne puisse pas ouvertement le désavouer : en 2011, elle a demandé une nouvelle enquête d’utilité publique et a affirmé qu’il serait « très difficile à faire » en mai dernier. Par ailleurs, elle se positionne contre le gaz de schiste avec les technologies actuelles, mais ne ferme pas la porte aux recherches pour trouver des méthodes d’extraction « propres ».
Le leitmotiv de Ségolène Royal est la « social-écologie » et la « croissance verte » : elle est convaincue que les mesures en faveur de l’environnement sont compatibles avec des politiques sociales et en faveur de l’entreprise et de l’économie. Au cours des prochains mois, elle devra mettre ses convictions et son poids politique pour réussir à rassembler acteurs politiques, économiques et ONG autour de la préparation d’une loi ambitieuse sur la transition énergétique, promesse phare du quinquennat.