Un sondage commandé par Poweo Direct Energie et publié le 1er novembre souligne que les Français sont très sensibles aux enjeux de MDE et de sobriété énergétique. 94% estiment qu’il est de la responsabilité de chacun de surveiller sa consommation pour protéger l’environnement, tandis que 71% considèrent qu’un mécanisme de bonus/malus les inciterait à faire davantage attention à leur consommation. 86% estiment que l’énergie est un bien de première nécessité auquel les personnes en situation de précarité doivent avoir accès à un prix abordable.
Les Français semblent donc adhérer aux deux principes défendus par le projet de loi sur l’énergie du gouvernement Ayrault : l’extension des tarifs sociaux et l’instauration d’un tarif progressif pour la consommation résidentielle d’électricité et de gaz, grâce à un système de « bonus/malus ». Les seuils devaient être définis selon des critères géographiques, de composition des foyers (nombre et âge des personnes), et le mode de chauffage.
Et pourtant, ce projet de loi rencontre quelques difficultés : les sénateurs PS ne sont pas à l’aise avec un texte qui s’est complexifié au fur et à mesure de l’intégration de nouveaux critères prenant en compte chacun des usages spécifiques (véhicules électriques, appareils respiratoires, personnes âgées nécessitant une température plus élevée…). L’opposition, par la voix de Bernard Accoyer n’a pas hésité à qualifier ce projet d’ »usine à gaz » inapplicable. Il a finalement été rejeté par une majorité UMP, centriste et communiste au Sénat après être passé à l’Assemblée sans les voix communistes. La ministre de l’Ecologie et de l’Energie s’est donc engagée à simplifier ce projet pour « parvenir à un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat »
Mais, les Communistes, au Sénat comme à l’Assemblée, sont opposés à ce projet de loi pour une question de fond : il remettrait en cause le principe de la « péréquation tarifaire » nationale qui structure les secteurs électriques et gaziers français depuis 1945. Ce principe, un tarif unique pour l’électricité et le gaz, quel que soit son lieu de consommation défend l’égalité d’accès à l’énergie, aux dépens des coûts réels de production et d’acheminement de l’énergie. Le concepteur du projet de loi, François Brottes, s’est insurgé contre cette critique, estimant que la zone climatique où est située le logement ne serait qu’un des critères. Selon lui, cette loi viserait au contraire à « renforcer l’égalité de traitement [des consommateurs] plutôt que l’inverse » puisque les besoins en énergie ne sont pas les mêmes localement selon la rigueur de l’hiver ou la survenue de canicule.
Avec cet argumentaire, François Brottes glisse subtilement d’une facturation au kwh à une facturation du confort électrique obtenu, et plus précisément du confort thermique. Tout le projet est conçu selon ce paradigme : il faut facturer l’énergie en fonction de l’usage qui en est fait. Cela doit revenir plus cher d’entretenir une piscine, ou de climatiser son logement (consommation « de confort ») que de se chauffer raisonnablement et de s’éclairer (consommation de base, voire de première nécessité).
Cependant, l’énergie est encore facturée au kilowattheure. Le projet de loi fait donc le grand écart pour réussir à qualifier le type d’usage en fonction d’un nombre trop important de critères qui le rendent très difficile à appliquer et à être compris par les consommateurs.
Après négociation entre les partis composant la majorité et quelques amendements pour simplifier ce texte, la loi verra certainement le jour. Elle ne clarifiera pas le système de tarification de l’énergie à la française et ne règlera pas certains enjeux majeurs du système électrique (la maîtrise de la pointe électrique notamment) mais elle aura le mérite de sensibiliser les consommateurs à l’usage qu’ils font de l’énergie. Nous basculons doucement de l’ère de l’abondance électrique à celle d’une consommation raisonnée.