L’énergie en Colombie en quelques chiffres clés
La Colombie, célèbre pour avoir été le premier producteur de cocaïne pendant de nombreuses années est plutôt connue dans le monde de l’énergie pour sa production de charbon et d’hydroélectricité. Elle se place au 5ème rang mondial comme fournisseur de charbon, faisant de ce combustible sa deuxième source de revenus à l’exportation pour le début de l’année 2019.
L’énergie hydraulique quant à elle, est la première ressource renouvelable du pays et représente 70% du mix électrique. Le potentiel des autres énergies renouvelables est également considérable, mais leur développement est relativement lent par rapport au Chili ou au Brésil. Cela s’explique par deux facteurs principaux : la dépendance à l’hydroélectricité, relativement abordable au vu de l’abondance d’eau, et le manque d’infrastructures de transport pour acheminer l’énergie du Nord-Est du pays (région avec le plus grand potentiel de production) aux centres de demande.
De plus en plus préoccupé par le phénomène El Nino et ses conséquences sur la sécurité d’approvisionnement énergétique du pays, le gouvernement colombien s’est fixé des objectifs ambitieux pour diversifier son mix électrique.
Rencontre avec Carolina Obando Anzola, coordinatrice règlementaire de SER Colombia pour en savoir plus sur les objectifs de développement des énergies renouvelables et leurs mises en œuvre.
Rencontre avec SER Colombia, au cœur de la transition énergétique colombienne
SER Colombia est la plus grande association pour le développement des EnR en Colombie. Elle rassemble près de 70 entreprises locales et internationales sur toute la chaine de valeur du secteur (producteurs, développeurs, fournisseurs, cabinets de conseil et d’avocats…). SER Colombia représente les intérêts de ses membres devant les organismes et entités du secteur public, les associations, les chambres et les organisations privées. En étroite relation avec le gouvernement, elle veille à l’élaboration de nouvelles règlementations adaptées aux industries du secteur et aide ses membres à comprendre les particularités du marché colombien.
Un premier pas pour la sécurité énergétique du pays
Depuis une dizaine d’années, les états d’alerte pour le phénomène El Nino se multiplient. Avec le réchauffement climatique, ce phénomène, perturbant les cycles hydrologiques du pays par des épisodes inhabituels de sècheresses et d’inondations, prend de l’ampleur et devient de plus en plus fréquent. Il met en péril le réseau électrique colombien qui repose majoritairement sur l’hydroélectricité.
Face à cette situation, en 2006, la Commission colombienne de Régulation de l’Énergie et du Gaz (CREG), a mis en place un nouveau mécanisme régulatoire afin d’assurer la fiabilité de l’approvisionnement en électricité à long terme. Par le biais d’appels d’offres dont le premier a eu lieu en 2008, les entreprises de production souscrivent à des « obligations d’énergies » les engageant à fournir de l’électricité à un prix et une quantité spécifiés lors des périodes de pénurie. En échange, ces entreprises perçoivent une rémunération annuelle « reliability charge » à hauteur de la capacité électrique engagée.
Cette régulation a notamment permis un fort développement des centrales thermiques fonctionnant au fioul, au gaz ou au charbon augmentant les émissions de gaz à effet de serre et accentuant les effets du changement climatique. Encore trop chères il y a 10 ans, les énergies renouvelables n’ont que très peu profiter de cette régulation. Pourtant, en Colombie, lorsqu’il ne pleut pas, le vent souffle et le soleil brille. Le développement du solaire et de l’éolien sont donc complémentaires des capacités hydroélectriques déjà installées.
De nouveaux mécanismes pour de nouvelles oplitiques
L’une des promesses de la campagne d’Ivan Duque, président de la Colombie, était de quitter son mandat avec 1 500 MW d’énergies renouvelables non conventionnelles (hors centrale hydroélectrique de grande capacité). A la prise de ses fonctions en 2018, le pays ne disposait que de 80 MW de capacités installées. Le challenge était grand !
Pour se faire, le gouvernement a lancé un premier appel d’offre début 2019. Même si plus de 1300 MW ont été attribués lors de ce dernier, il n’a pas été jugé recevable par la CREG. Plusieurs facteurs sont mis en cause mais la définition même du produit explique majoritairement cet échec : il avantageait largement les producteurs qui n’avait alors aucune obligation de fourniture. L’acheteur qui portait alors entièrement le risque a demandé des prix d’achat trop faibles et non alignés avec les prix de vente.
Grâce à ce retour d’expérience, le gouvernement a redéfini de nouvelles règles pour le lancer un nouvel appel d’offre en octobre 2019. Le risque, cette fois, est porté par le producteur qui a obligation de fournir la quantité inscrite dans le contrat, quitte à s’approvisionner sur le marché d’électricité. Comme pour le premier appel d’offre, la demande se fait sur la base du volontariat mais le gouvernement envisage de forcer les fournisseurs en cas de demande trop faible. Les producteurs, malgré ce transfert de risque, ont toujours un fort appétit pour s’engager dans ces contrats long terme.
L’atteinte des objectifs du gouvernement dépend fortement de la réussite de ce second appel d’offre. Pour favoriser son bon déroulement et préciser les nouvelles conditions à toutes les parties prenantes, SER Colombia organise des sessions d’informations dans tout le pays au cours de l’été 2019.
Un marché en plein essor
Grace à la compétitivité des énergies renouvelables, les acteurs historiques se tournent vers les énergies vertes sans attendre les appels d’offres, et SER Colombia constate un développement croissant de nouveaux projets à travers le pays. L’association souhaite favoriser l’entrée sur le secteur à des développeurs étrangers afin de le dynamiser et d’accroitre sa compétitivité.
En parallèle de ces appels d’offre, SER Colombia œuvre pour le développement de projet solaire en autoconsommation, notamment pour les foyers encore privés d’électricité. Germán Corredor, directeur exécutif de SER Colombia affirme qu’« il s’agit d’un marché à fort potentiel de croissance, car il permet aux consommateurs ou aux utilisateurs de produire leur propre énergie directement à partir d’appareils tels que les panneaux solaires. Sans aucun doute, en plus de fournir une solution de production d’énergie sûre et fiable, cela devient une production propre, économique et efficace pour les besoins de milliers de familles dans les zones rurales, ou même pour les petites entreprises ».
La Colombie, dont la sécurité énergétique est directement impactée par le changement climatique, a pris conscience de la nécessité d’adapter son mix électrique. Ainsi le prix n’est plus le critère majeur de sélection des sources d’énergie comme c’est le cas dans de nombreux pays. La complémentarité et la diversité du mix électrique sont primordiales dans la stratégie énergétique du pays.