La quatrième fut la bonne ! Après les échecs de 1992, 2008 et 2012, Paris s’est vu enfin attribuer en 2017 l’organisation des Jeux olympiques d’été 2024. Dès lors, la gouvernance du projet s’est organisée autour de trois organes clés : le CIO, le COJO et l’État français, incarné par la DIJOP et le ministère des Sports, responsable également des Jeux Olympiques et Paralympiques. Leurs rôles et responsabilités respectifs ont des périmètres bien définis : le CIO est l’organe systémique qui sous-traite, tous les quatre ans, l’organisation des Jeux à un comité d’organisation (le COJO, ici Paris 2024) et l’État est quant à lui le garant des bonnes conditions d’accueil de l’évènement sur son territoire. Paris 2024 et les différentes instances gouvernementales travaillent ainsi en étroite collaboration pour faire de cet évènement tant attendu une réussite.
L’ampleur de l’évènement et son exposition médiatique demandent au pays d’accueil de se transformer dans un temps court, de mettre en place des changements profonds qui concernent des pans entiers du territoire et de son économie, en seulement quelques années.
Pour réaliser cette ambition, le pays s’est donné les moyens de construire un héritage qui perdurera après les Jeux. Ce sont à la fois les investissements et les infrastructures, mais aussi les modes de collaboration qui permettront à cet héritage de voir le jour.
Se donner les moyens de la transformation
Pendant les Jeux, ce sont 400 000 spectateurs en moyenne qui sont attendus les jours de compétition. Pour être capable de les accueillir, l’État se dote d’un budget de 2,7 milliards d’euros, selon l’estimation donnée à la Cour des Comptes. Pour l’instant, les dépenses liées à la santé et à la sécurité ne sont pas encore intégrées à cette estimation et feraient passer le budget à environ 3,8 milliards d’euros. Les principaux postes de dépenses concernent les infrastructures olympiques dont la Solideo a la maîtrise d’ouvrage, les transports, et l’accueil des visiteurs. Ce budget est à dissocier de celui du comité d’organisation, dont les financements sont à 96% issus de recettes privées.
La maire de Paris, Anne Hidalgo, et le gouvernement justifient l’impact des Jeux sur les finances publiques par l’utilité générale de ces investissements à long terme. Ils permettraient notamment d’engager ou d’accélérer la transition écologique au moyen d’innovations dans trois domaines incontournables en matière de décarbonation : l’urbanisme, l’énergie et les transports.
Vecteurs d’innovations techniques et écologiques, les investissements publics liés aux Jeux sont portés par le projet de loi finance 2024 qui a été présenté à l’automne 2023. Le coût réel des Jeux est toutefois encore difficile à estimer, les dépenses des collectivités territoriales restent la grande inconnue de l’équation, notamment celles de la ville de Paris, pour le moment estimées à 500 millions d’euros.
Piloter la transformation, la coopération comme clé de succès
Le traitement médiatique qui est fait des Jeux expose fortement le pays d’accueil, pour qui l’évènement représente un risque d’image important. Candidater à l’accueil des Jeux, c’est faire le pari que l’on est capable de sécuriser les risques pour faire de l’évènement l’opportunité de rayonner à l’international, de se développer économiquement, et de fédérer la population autour d’un objet commun, ici le sport.
C’est cette même exposition et cette volonté de promouvoir la culture du pays qui pousse l’État français à enclencher les changements évoqués plus haut. Pour mettre en œuvre ces transformations sectorielles, l’État actionne un grand nombre d’acteurs, tous responsables de délivrer leur partie du projet dans le temps imparti. L’importance et l’inflexibilité de la date de livraison des Jeux fait peser sur ces acteurs un risque de non tenue des délais qui rend nécessaire un pilotage à rebours.
Si les objectifs stratégiques sont fixés au niveau national par l’État qui réunit et coordonne les différents ministères au sein de la DIJOP (Délégation Interministérielle aux Jeux Olympiques et Paralympiques), les objectifs opérationnels et les plans d’action qui en découlent sont organisés par les parties prenantes opérationnelles. Les concessionnaires, territoires et collectivités, entreprises privées sont autant d’acteurs que de leviers à actionner.
Les parties prenantes opérationnelles construisent leurs feuilles de route et projets internes dédiés aux JOP et identifient leurs sujets d’interface, elles créent des comitologies communes, lieux de rencontre autour de sujets transverses tels que la cybersécurité, l’alimentation électrique, la stratégie sociale, la gestion de crise.
Pour les opérateurs de services publics ou d’activité d’utilité publique, les Jeux sont un laboratoire en matière de coopération. Des acteurs qui ont rarement l’occasion de travailler directement en mode projet se réunissent et travaillent ensemble sur des problématiques communes. C’est par exemple le cas des opérateurs de réseaux et des opérateurs de transports, qui se sont emparés du sujet de la sécurisation de la qualité d’alimentation des gares françaises, indispensables au transport des spectateurs. Un travail minutieux a été mené afin de connaître l’historique électrique de chaque gare et de programmer les opérations nécessaires. Pour ce faire, il a fallu réunir les bons interlocuteurs au niveau national (interlocuteurs Grands Comptes) et régional (leurs correspondants régionaux). Une coopération dont la valeur a été soulignée par le ministère des sports (et des Jeux).
Ainsi, les Jeux sont l’occasion d’échanger les bonnes pratiques et de créer des synergies. Les groupes de travail thématiques permettent aux parties prenantes d’identifier les adhérences et d’anticiper les impacts des actions des uns sur les autres. Lors de ces groupes de travail ou autres comités, les parties prenantes partagent les informations clés en transparence. Pour réussir les Jeux, la coopération semble être un facteur clé de succès, au détriment de la concurrence.
En matière de pilotage de projet de transformation, les JOP 2024 seront sans doute perçus comme une référence. Ils auront permis de démontrer qu’il est possible de réaliser des changements profonds et durables dans un temps court en faisant coopérer des acteurs variés.
Si la coopération est une clé de succès pour un projet d’une telle envergure, le cadre est indispensable : un objectif commun, une date butoir et une vision claire de la trajectoire à emprunter portée par le gouvernement font partie des prérequis à la répartition des risques et à la mise en place d’un pilotage fort et coopératif des acteurs.
Maintenant que les canaux ont été créés, il est nécessaire de les entretenir pour les réactiver sur d’autres projets de transformation transverses, propres à la transition énergétique, tels que la planification et le pilotage de la rénovation énergétique massive des bâtiments, la décarbonation et l’électrification de l’industrie, le soutien à l’émergence d’une filière hydrogène de la production à la consommation, en passant par le stockage et le transport, la décarbonation du transport aérien ou l’accélération de la mobilité électrique (différents parcs de bornes, gigafactories, recyclage des batteries, sourcing, accompagnement de la filière automobile…) …