Depuis le 1er juillet 2007, l’ensemble des consommateurs est libre de choisir son fournisseur d’électricité et de gaz (cf. notre repère « 20 ans d’ouverture à la concurrence »). Cependant, près de 10 ans après l’ouverture du marché pour les particuliers, seulement 13% des clients résidentiels ont souscrit à une offre de marché auprès d’un fournisseur alternatif d’électricité et 22% auprès d’un fournisseur alternatif de gaz[1].La moitié des ménages français n’a toujours pas connaissance de l’ouverture des marchés à la concurrence, selon une étude du médiateur national de l’énergie réalisée fin 2014 [2].

Pourtant, le marché de l’électricité compte aujourd’hui quinze fournisseurs alternatifs à l’opérateur historique EDF. L’année 2016 a même vu apparaître plusieurs nouveaux venus sur ce marché.

Parmi eux : ekWateur, qui se définit comme un fournisseur collaboratif, innovant et respectueux de l’environnement, et Plüm Énergie, qui fournit ses clients en électricité d’origine renouvelable tout en les encourageant financièrement à maîtriser leurs consommations d’électricité au quotidien.

Atlante a souhaité en savoir plus sur le positionnement et la vision du marché de l’énergie de ces deux nouveaux fournisseurs. Nous sommes donc allés à la rencontre de Julien Tchernia et Vincent Maillard, présidents et co-fondateurs respectifs d’ekWateur et Plüm Énergie.

Quels changements permettent l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché de l’électricité alors que celui-ci est ouvert depuis 2007 ?

Par comparaison avec le secteur des télécommunications qui, près de 20 ans après son ouverture, offre une large place à la concurrence accompagnée d’une baisse des prix significative, le marché de l’électricité reste dominé par le fournisseur historique et les tarifs réglementés de vente qu’il propose. Ces nouveaux entrants estiment ainsi que le marché n’est pas encore mature et présente donc une grande opportunité pour eux.

D’autant plus que par rapport à 2007, les paradigmes ont changé.

Pour Vincent Maillard, président de Plüm Énergie, deux éléments font aujourd’hui progressivement évoluer la représentation classique de la fourniture d’électricité et amènent le consommateur d’électricité à être davantage responsable de sa consommation et à s’informer pour mieux la maîtriser :

  • D’une part, alors que l’intermittence de la production d’origine renouvelable met à l’épreuve le système électrique français, les évolutions du secteur portent aujourd’hui davantage sur la consommation que sur la production ;
  • D’autre part, l’arrivée des compteurs communicants Linky va permettre au consommateur d’accéder à ses données de consommation et ainsi de la piloter de manière plus efficace.

L’évolution progressive du cadre réglementaire permet également aujourd’hui une plus large ouverture du marché, indique Julien Tchernia, avec la levée de certaines barrières à l’entrée, en particulier :

  • La prise en charge des impayés par les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) pour la partie acheminement :

En septembre 2014, le Comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) de la CRE a admis que, dans le cas d’un contrat unique où le fournisseur devient l’interlocuteur privilégié du client pour la fourniture et l’acheminement de l’énergie (électricité ou gaz), ce fournisseur ne peut supporter la charge d’un risque d’impayés pour la part acheminement revenant au GRD. Le comité a ainsi conclu que, pour reverser au GRD les sommes dues au titre de l’utilisation du réseau, le fournisseur devait les avoir préalablement perçues auprès du client final.

  • La rémunération des fournisseurs au titre des prestations qu’ils réalisent pour le compte du GRD :

La CRE a par ailleurs admis récemment que tout fournisseur alternatif de moins de 1 750 000 clients pouvait être lié au GRD par un contrat de prestation de services et rémunéré pour les opérations réalisées pour son compte. Ces prestations, concernant notamment la relation contractuelle avec les utilisateurs pour l’accès au réseau[3], représentent en effet un coût important pour les petits fournisseurs. Ce coût fait l’objet d’une évaluation en cours par la CRE[4].

Même si des freins subsistent, ce nouvel environnement réglementaire favorise aujourd’hui, par rapport à l’ouverture des marchés en 2007, le développement de fournisseurs alternatifs.

Quel est le positionnement des nouveaux fournisseurs alternatifs comme ekWateur et Plüm Énergie ?

« Nous sommes des commerçants et des informaticiens » annonce le président d’ekWateur, « nous comptons mettre les technologies du numérique au service des clients et d’une meilleure consommation » déclare pour sa part le président de Plüm Énergie. Tous deux ne se considèrent donc pas comme des énergéticiens et de simples fournisseurs d’électricité.

Les deux fournisseurs proposent des « offres vertes ». Cependant, la fourniture d’électricité issue de sources renouvelables n’est pas un argument de vente suffisant. Le consommateur est attiré avant tout par un prix plus bas.

Mais lorsque la production et la distribution représentent près de 90% du prix du kWh fourni, il apparait difficile de proposer un prix attractif. Les deux fournisseurs constatent ainsi qu’il est plus aisé de faire gagner de l’argent aux consommateurs plutôt que de leur proposer d’entrée un abonnement moins cher.

Ces derniers proposent donc à leurs clients des outils permettant de visionner le bilan de leurs consommations mensuelles et des conseils afin de mieux et moins consommer d’énergie.

A chaque fois que sa consommation d’électricité réelle est inférieure à la consommation de référence calculée, un client de Plüm Énergie voit ainsi sa « cagnotte » abondée. Cette cagnotte permet ensuite de réduire les prélèvements futurs.

ekWateur propose également d’autres services plus éloignés de la fourniture d’énergie grâce à la « communauté ekWateur ». Celle-ci permet par exemple de se rapprocher d’entreprises innovantes et d’artisans locaux afin d’installer chez soi des panneaux solaires dont l’électricité produite est rachetée par ekWateur. Le nouveau fournisseur encourage aussi ses clients à devenir ses conseillers clientèles (au statut d’autoentrepreneurs) ou encore à cofinancer son développement en achetant sur une plateforme de crowfunding des obligations à un taux de 7% pendant 3 ans.

« A l’image d’Uber, nous vendons une expérience » résume Julien Tchernia qui revendique ekWateur comme le premier fournisseur d’énergie collaboratif.

Quelle vision de l’avenir du marché de l’énergie pour ces nouveaux fournisseurs ?

Le chemin est encore long pour convaincre l’ensemble des particuliers de l’intérêt de l’ouverture à la concurrence pour la fourniture de l’énergie.

Cette prise de conscience est toutefois favorisée progressivement par une vulgarisation du fonctionnement du secteur de l’énergie. A l’image des secteurs agro-alimentaire ou textile, le consommateur est mieux informé sur la chaine de valeur et devient donc un consommateur davantage responsable. Un « consom’acteur ».

Ces nouveaux fournisseurs font ainsi le pari que les innovations d’aujourd’hui (compteurs communicants Linky, thermostats intelligents, etc.) et de demain stimuleront ce secteur en constante mutation. La législation devra alors évoluer afin d’accompagner ces mutations.

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[1] Observatoire des marchés de détail du 3e trimestre 2016 de la CRE

[2] Baromètre Energie-info 2014

[3] Ex. gestion des dossiers des utilisateurs, souscription et modification des formules tarifaires, accueil téléphonique, ou encore facturation et recouvrement des factures

[4] Consultation publique de la CRE du 27 juillet 2016 portant sur les prochains tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (p.54)