Un contexte français favorable au développement de l’éolien offshore
Des débuts sur terre…
Au début des années 2000, la France était relativement en retard en termes d’éolien par rapport à certains de ses voisins européens, notamment du fait d’une production nucléaire et hydraulique efficace qui assuraient une électricité bon marché et peu émettrice de CO2.
La filière s’est réellement développée à la faveur du dispositif de rachat de l’électricité éolienne terrestre[1], rattrapant ainsi partiellement son retard. Ce secteur, qui représente aujourd’hui près de 10 GW de puissance installée[2] et plus de 10 000 emplois en France, constitue une filière industrielle en plein essor.
Le développement de l’éolien s’inscrit dans les objectifs du Grenelle de l’Environnement, qui visent une production de 23% de l’énergie française à partir de sources renouvelables en 2020, avec en particulier 25 GW de puissance éolienne installée dont au moins 6 GW offshore.
…la suite de l’histoire en mer
L’éolien en mer constitue ainsi en France la nouvelle frontière que les acteurs de la filière s’apprêtent à franchir. Son potentiel est important – estimé selon les études entre 30 et 80 GW[3], contre 20 GW pour le potentiel onshore, soit le plus important gisement en Europe après le Royaume-Uni – et ses attraits nombreux.
La puissance, la régularité et l’absence d’obstacles aux vents marins permet en effet de maximiser l’énergie produite : une éolienne offshore fonctionne entre 3 000 et 3 500 heures par an avec des vents soufflant en moyenne entre 9 et 11 m/s, contre moins de 2 000 heures dans les terres avec des vents de 4 à 7 m/s. Cela permet d’y construire des éoliennes plus puissantes et octroie l’assurance d’un facteur de charge plus élevé. Ainsi, à puissance égale, une éolienne maritime génère un productible environ deux fois plus important qu’une éolienne terrestre.
Autre avantage majeur de l’éolien offshore : sa meilleure acceptabilité locale. En effet, les nuisances sonores que peuvent rencontrer les riverains de parcs onshore disparaissent et les nuisances visuelles sont considérablement réduites, les parcs étant positionnés à bonne distance des côtes dans le cadre des concertations.
Une filière éolienne française qui s’arme pour relever les défis de l’offshore
Dès 2011, nous parlions déjà de la création à venir d’une filière éolienne offshore en France (ici). Le premier appel d’offres a en effet conduit à l’attribution en avril 2012 de trois sites au consortium porté par EDF Energies Nouvelles et Alstom, et un site au consortium porté par l’espagnol Iberdrola et Areva, pour une puissance totale de 2 GW. Puis un second appel d’offres représentant environ 1 GW a été remporté en mai 2014 par le consortium constitué de GDF Suez et Areva.
De nouveaux défis en mer…
Ce passage de l’onshore à l’offshore ne revient pas à une simple transposition en mer de ce qui se fait sur terre : il constitue un véritable changement de paradigme.
Premièrement, le changement d’échelle est majeur. Non seulement les éoliennes installées sont plus grandes et plus puissantes, mais leur nombre n’en est pas plus comparable : alors que les parcs onshores sont en général constitués d’une dizaine d’éoliennes d’une puissance de l’ordre de 2 MW, ce sont de grands parcs de plusieurs plusieurs dizaines voire centaines de turbines deux fois plus puissantes qui voient le jour en mer, sur des surfaces pouvant aller jusqu’à 100 km2.
Deuxièmement, l’environnement marin représente un challenge de taille, à la fois pour la durabilité des équipements (houle, sel, humidité, biofouling[4], etc.) que pour la construction et l’exploitation des parcs qui nécessitent une maîtrise de compétences maritimes très spécifiques (droit de la mer, accréditations, servitudes, etc.).
Troisièmement, le raccordement électrique de ces parcs éloignés de 10 km ou plus des côtes s’avère bien plus délicat que sur terre : le futur parc éolien de Fécamp sera ainsi raccordé en 2019 par RTE, via une liaison sous-marine et souterraine de 225 000 volts qui nécessite d’établir le profil détaillé des fonds marins.
Avec l’ensemble de ces contraintes nouvelles, le coût complet de l’éolien offshore reste aujourd’hui difficile à estimer mais se situerait entre 2 et 4 M€ par MW, contre en moyenne 1,3 M€ par MW pour l’éolien terrestre. A l’échelle d’un parc entier, on passe ainsi de quelques dizaines de millions d’euros en onshore à des investissements de 1 à 2 milliards d’euros en offshore.
… et un apprentissage au long cours
Ces enjeux industriels et financiers constituent indéniablement des défis nouveaux pour les opérateurs éoliens en France, qui ont construit des consortiums combinant les savoir-faire pour les surmonter. Pour remporter ses premiers champs offshore, EDF avait par exemple choisi de s’allier avec DONG Energy, énergéticien danois leader de l’éolien en mer et spécialiste du secteur, dont le métier historique était l’exploration-production pétrolière offshore.
L’apprentissage des opérateurs lauréats des six sites offshores est ainsi en (long) cours. Après une phase de levée des risques de deux ans, permettant aux consortiums d’affiner leur connaissance des sites et d’adapter les solutions techniques retenues, s’ensuit une phase de débat et d’enquête publics devant aboutir aux autorisations de construction, attendues au 2ème trimestre 2016 pour les premiers sites, soit quatre ans après leur attribution. Cet apprentissage ne va pas sans écueils : le consortium mené par Iberdrola et Areva, lauréat du parc de Saint Brieuc, a par exemple demandé de repousser le calendrier des travaux afin d’intégrer des éoliennes de 8 MW récemment développées venant se substituer aux turbines de 5 MW initialement prévues.
Cap vers le 3ème appel d’offre
Suite aux deux premiers appels d’offres, la filière française de l’éolien offshore commence ainsi à se structurer avec les premières implantations industrielles effectives (sites de production, installations portuaires…), et va pouvoir se renforcer avec le futur 3ème appel d’offres annoncé par l’Etat pour le premier trimestre 2016.
Avec un potentiel estimé à au moins 30 GW, et ce sans tenir compte des possibilités offertes par les éoliennes flottantes, l’éolien offshore français n’en est qu’à ses débuts.
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[1] 82€ / MWh pendant 10 ans, puis entre 28 et 82 € / MWh selon la productivité du site pendant 5 ans
[2] Source Observatoire Eolien 2015 de France Energie Eolienne – à titre de comparaison : la puissance électrique installée en France toute source d’énergie confondue s’élève à 129 GW
[3] Cabinet d’études Espace Éolien Développement
[4] Le biofouling est la formation d’une couche gênante d’êtres vivants sur une surface artificielle en contact permanent ou fréquent avec de l’eau