L’énergie au Népal en quelques chiffres clés
La situation du Népal au cœur de l’Himalaya lui confère un potentiel hydroélectrique à même de le rendre autosuffisant en électricité.
Cependant, ce potentiel demeure largement sous-exploité si bien que la consommation énergétique des citoyens népalais repose majoritairement sur la biomasse, notamment pour la cuisson domestique, et sur l’importation de produits pétroliers indiens.
Par ailleurs, sa géographie constitue également un challenge important. Avec son climat tropical, le pays concentre 80% des précipitations sur deux mois ce qui entraîne des coupures de courants prolongées et le recours massif à l’effacement pendant la saison sèche. Le relief accidenté rend également difficile l’accès à l’énergie dans les zones rurales dans lesquelles vivent la majorité de la population. Seuls 65%[1] des habitants bénéficient du réseau national d’électricité.
Malgré ces difficultés, le gouvernement s’est fixé les objectifs très ambitieux de donner accès à l’électricité à l’ensemble des népalais dans les 3 ans et de satisfaire la forte croissance de la demande dans les 5 ans à venir.
Pour contribuer à l’atteinte de ces objectifs, le gouvernement a lancé le programme d’électrification rurale CREP (Community Rural Electrification Programme). Nous avons rencontré Shyamala Nepal, responsable de ce programme au sein de la NACEUN (National Association of Community Electricity Users-Nepal), une ONG dédiée au soutien des citoyens dans ce processus d’électrification rurale.
Le modèle CREP pour l’électrification rurale
La guerre civile et la géographie difficile du Népal n’avait pas permis au gouvernement de pouvoir administrer la distribution d’électricité dans les zones rurales. En s’inspirant des modèles d’électrification rural mis en place dès 1930 aux États-Unis puis dans certains pays d’Asie tels que le Vietnam, l’Inde et le Bangladesh, le Népal a lancé son programme CREP en 2005.
Ce modèle vise à impliquer les populations rurales dans l’établissement et le management du réseau de distribution d’électricité. Il encourage ces populations à se regrouper en Communautés Rurales d’Électrification (CREE) pour investir dans la construction du réseau de distribution. Depuis 2008, le gouvernement – à travers la National Electricity Authority, entreprise nationale de production, transmission et distribution d’électricité – couvre 90% des coûts d’extension du réseau ; les communautés participent à hauteur des 10% restant. Une fois le réseau étendu, les CREE deviennent distributeurs d’électricité locaux et gèrent notamment la maintenance du réseau et la vente d’électricité aux foyers de la communauté.
L’ONG NACEUN, pour laquelle travaille notre interlocutrice, est un acteur central et déterminant dans le développement du programme CREP.
Dans un premier temps, elle joue le rôle d’informateur auprès des districts proches du réseau national existant et pouvant participer au programme. Elle aide ensuite les communautés souhaitant s’électrifier dans la rédaction de la demande auprès de la NEA qui étudie et estime le coût du projet. Une fois les 10% du coût total rassemblé par la communauté, l’extension du réseau peut commencer ; NACEUN forme alors les membres de la nouvelle CREE qui endossent le rôle de distributeur local.
Le business model
Le business modèle des CREE est national et dicté par la NEA : la CREE achète en gros à l’autorité nationale à un prix élevé et revend l’électricité à l’ensemble des consommateurs locaux à un prix standard national. En contrepartie, les foyers de la communauté contribuent de manière forfaitaire au fonctionnement de la CREE. A partir d’un seuil de consommation, le prix de vente du kilowattheure augmente fortement ; ce sont donc les plus gros consommateurs qui permettent à la CREE de dégager un bénéfice. Ce modèle est malgré tout difficilement soutenable pour des communautés dont la consommation repose essentiellement sur l’éclairage. Pour encourager son bon fonctionnement, NACEUN accompagne des petites entreprises locales (élevage, poterie, …) vers une électrification de leurs procédés en leur apportant notamment des informations sur les possibilités de financement et des formations techniques.
Par ailleurs, engagé pour un accès à l’électricité équitable, NACEUN se bat pour :
- Réviser la structure des tarifs d’électricité, en appliquant un tarif réduit aux membres des CREE, ayant investis dans l’extension du réseau national.
- Réduire la part d’investissement des communautés rurales ; elle a notamment permis de faire passer cette part de 20% à 10% en 2008.
Réalisation et objectif
Depuis le démarrage du programme, un réseau de 288 CREE à travers 53 des 77 districts du Népal a été créé et 500 000 foyers ont été connectés au réseau national.
Un modèle décentralisé efficace pour le réseau de distribution. Prochaine étape : la production
Ces résultats montrent au gouvernement l’efficacité de ce programme ; avec l’annonce récente des objectifs ambitieux d’électrification, NACEUN espère voir une augmentation du budget alloué au programme pour les prochaines années.
En parallèle du programme CREP, le gouvernement continue l’extension de son réseau national de distribution à travers le pays pour atteindre les districts les plus reculés. La géographie du Népal étant particulièrement difficile, il compte également sur l’implémentation de systèmes off-grid tels que le micro-hydraulique et le solaire pour donner accès à l’électricité à ses citoyens.
L’extension du réseau national d’électricité entraîne une augmentation de la consommation à laquelle le gouvernement s’est promis de répondre rapidement. Des grands projets de génération d’électricité, notamment hydroélectriques, ont été présentés au cours du Foreign Investment Summit de fin mars 2019. De nombreuses promesses d’investissement et mémorandum d’entente ont été signés lors de ce sommet.
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[1] 23% de la population a accès à l’électricité via des systèmes off-grid