« Soyons lucides : la capacité à développer massivement l’éolien terrestre est réduite. […] Le consensus sur l’éolien est en train de nettement s’affaiblir dans notre pays ». La petite phrase prononcée par Emmanuel Macron en janvier 2020, alors que certains élus réclamaient un moratoire sur les installations de mâts dans leur territoire, a sonné comme un avertissement pour la filière.

Le gouvernement a pourtant confirmé quelques mois plus tard l’importance de l’éolien pour la transition énergétique française. La version définitive de la PPE fixe en effet un objectif de 20% d’électricité d’origine éolienne à l’horizon 2028, avec un triplement des capacités installées. La question de l’acceptabilité de l’éolien est dès lors incontournable pour atteindre ces objectifs : quels sont les enjeux pour le développement de la filière et comment relever ce défi ?

Vents favorables

L’énergie éolienne terrestre représente une part croissante du mix énergétique français. Avec une production qui a cru de 21% entre 2018 et 2019, l’éolien était en 2019 la deuxième source d’énergie renouvelable en France derrière l’hydraulique. Avec un parc installé de 16,6 GW, elle permettait de couvrir 7% de la consommation nationale. Le développement de l’éolien terrestre est également une opportunité pour les territoires, puisqu’il génère de l’activité (1,2 emplois par MW installé et raccordé) et des retombées financières (entre 10 et 15 000 € par MW et par an).

L’éolien est une technologie maîtrisée, qui continue à se perfectionner : le facteur de charge pourrait augmenter d’un tiers d’ici 2030. Le coût actualisé de l’énergie poursuivrait ainsi sa baisse (il a déjà diminué de plus de 62% depuis 1991) et pourrait atteindre dès 2030 un niveau suffisant pour que le développement de nouveaux parcs ne nécessite plus de subventions[1]. Technologie sûre, coûts d’investissement en baisse, ressource abondante (la France dispose du deuxième potentiel éolien d’Europe) : les facteurs de développement de l’éolien terrestre sont nombreux.

La France possède également d’importantes ressources éoliennes « offshore ». Moins d’intermittence, parcs de plus grande taille, coûts compétitifs (44€ / MWh pour le dernier appel d’offre accordé en 2019 pour le projet de Dunkerque) … L’éolien marin offre de nombreux avantages. La France est par ailleurs bien positionnée sur l’éolien flottant avec plusieurs démonstrateurs au large des côtes françaises et d’autres devant être mis en service en 2021. L’éolien en mer devrait prendre son essor dans les années à venir : à horizon 2028, la PPE fixe une cible de capacités installées comprise entre 5,2 GW et 6,2 GW et prévoit des appels d’offres pour plusieurs parcs, totalisant à minima 6,2 GW de capacités.

Malgré l’impact du Covid-19, qui a retardé la réalisation de certains chantiers et la publication de certains appels d’offre, les raisons d’être optimiste sur le futur de l’éolien en France ne manquent pas. Mais la filière reste confrontée à des problématiques d’acceptabilité.

Le refus de l’éolien : tempête dans un verre d’eau ?

Proximité avec des habitations, présence de radars militaires, trafic aérien… Les contraintes pour l’implantation d’éoliennes en France sont nombreuses, rendant inconstructible la moitié du territoire. Les installations sont de fait concentrées dans certaines régions, générant dans une partie de leur population un rejet, majoritairement dû au sentiment de saturation visuelle causé par l’augmentation de la taille des mâts et la concentration des installations. A l’hiver 2019, les élus de ces territoires se sont fait les porte-paroles de cette colère, réclamant une implantation plus équilibrée des futurs parcs et un moratoire sur les installations dans leurs régions.

Ces oppositions impriment leur marque alors même qu’elles sont relatives : un sondage lancé par la filière[2] a permis de montrer que 73% des Français ont une image positive de l’éolien. Et contrairement aux idées reçues, la proximité d’un parc éolien n’augmente pas le rejet : 80% des riverains d’éoliennes en ont une bonne image et plus de la moitié des personnes a priori opposées à l’installation d’un parc changent d’avis après sa mise en service.

Le déficit d’acceptabilité de l’éolien représente toutefois un risque pour son développement. D’une part parce qu’il rallonge la durée de développement des projets, 70% d’entre eux faisant l’objet d’un recours. D’autre part parce qu’il est pris très au sérieux par le gouvernement : alors ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne reconnaissait que l’implantation parfois « anarchique » de parcs pouvait parfois mener à une « situation d’encerclement autour de certains bourgs qui est absolument insupportable ». Pour continuer à se développer sereinement et se donner les moyens d’atteindre les objectifs fixés par la PPE, la filière doit donc trouver des leviers pour améliorer l’acceptabilité.

Trouver un nouveau souffle d’acceptabilité : une nécessité

Elisabeth Borne avait reconnu les tensions que pouvait causer la saturation d’installations éoliennes, mais elle restait convaincue qu’elles sont « indispensables » à la transition énergétique. A son initiative, un groupe de travail a été mis en place, rassemblant toutes les parties prenantes[3], pour trouver des réponses concrètes aux griefs les plus fréquemment exprimés envers l’éolien. Preuve du volontarisme des acteurs, des mesures permettant de répondre à certaines polémiques ont été adoptées et des premières expérimentations ont été lancées pour tester certaines solutions, comme par exemple une évolution des balisages lumineux permettant de réduire les nuisances visuelles.

L’amélioration de l’acceptabilité de l’éolien passe aussi par une bonne appropriation des projets par les riverains.  Les développeurs en ont pleinement pris conscience et consacrent de plus en plus de temps et d’énergie à la concertation, y compris parfois au-delà des exigences réglementaires, par exemple en prenant contact avec les parties prenantes plus tôt dans la phase de conception du projet, en mettant en œuvre des modalités d’information élargies du grand public (plateforme digitale pour déposer les avis, porte à porte…) ou encore des actions de pédagogie (par exemple l’organisation de visites de parcs déjà en service pour les futurs riverains).

Les développeurs travaillent également à renforcer l’ancrage territorial de leurs projets en les menant en cohérence avec des initiatives locales existantes afin de générer des synergies positives en matière d’emplois ou d’organisation du territoire. Les partenariats ainsi créés permettent d’embarquer davantage les acteurs locaux.

Ces parties prenantes deviennent alors potentiellement des relais d’opinion favorables au projet éolien, dont la prise de parole peut venir conforter les actions de concertation engagées par les acteurs de la filière et contribue à (re)donner le sens de l’installation des parcs : la production d’une énergie verte, qui s’insère dans le territoire pour créer de la richesse.

Car ce message ne peut pas être porté par la filière seule : la parole de tiers, que ce soit au niveau local ou national, est nécessaire pour soutenir le développement de l’éolien et favoriser son acceptabilité. La FEE a ainsi publié en novembre 2019 un recueil de paroles d’élus permettant d’ « illustrer de façon concrète à quel point la construction d’un parc éolien [pouvait] favoriser beaucoup d’autres projets au service de la population ».


Pour structurer et appuyer le discours qu’elle porte au niveau local, la filière a besoin d’un soutien politique national. En ce sens, la récente nomination au ministère de la Transition écologique de Barbara Pompili, interlocutrice de longue date de la filière est un signal fort, qui conforte les perspectives globalement positives de développement de l’éolien.  

L’acceptabilité semble donc bien être la véritable limite à l’atteinte des objectifs fixés par la PPE et cette prise de conscience est partagée par les acteurs comme par les pouvoirs publics. Le travail de la filière pour faire émerger des solutions concrètes aux principaux problèmes cristallisant les rejets (saturation visuelle, fin de vie des parcs, bruits…), le renforcement des actions de concertation par les opérateurs pour améliorer l’implication des riverains et le développement de vrais « projets de territoires » à même de mobiliser les relais locaux autour de l’éolien constituent autant de clés pour répondre à cette problématique. Des efforts qui restent à poursuivre afin de faire émerger un écosystème de soutiens qui permette à terme de remporter ce défi de l’acceptabilité.


[1] ADEME le mag n°129, octobre 2019

[2] « L’énergie éolienne. Comment les Français et les riverains de parcs éoliens la perçoivent-ils ? » Enquête Harris Interactive pour France Energie Eolienne, octobre 2018

[3] Associations d’élus, services de l’État, gestionnaires de réseaux, ministère des Armées, directions régionales (DREAL), ONGs, agences publiques (ADEME), paysagistes et professionnels