Le système électrique français est confronté à un accroissement des pics de consommation beaucoup plus rapide que la hausse moyenne de la demande : ils augmentent de 3%, alors que, dans le même temps, la consommation électrique connaît une hausse de 0,6 %. Parallèlement, le modèle de production centralisée va être fragilisé par la baisse prévue de la part du nucléaire dans le mix énergétique, la fermeture annoncée de plusieurs centrales à charbon et les ambitions fortes des pouvoirs publics pour un développement accéléré des énergies renouvelables, par nature intermittentes et réparties.

Ces tendances compliquent les paramètres de l’équation du système électrique et provoquent des tensions sur l’équilibre  des réseaux. Cette situation est encore renforcée par l’insuffisance chronique d’investissements dans des moyens de production de pointe.

Les efforts de maîtrise de la demande en énergie ne seront pas suffisants. Tous les moyens visant à maîtriser spécifiquement les pointes de consommation doivent être explorés. L’agrégateur, en centralisant des flexibilités diffuses (consommation, production, stockage), pourrait apporter un vent nouveau.

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Si traditionnellement le système électrique a recours à des centrales à gaz ou à fioul très réactives ou à des importations pour offrir des flexibilités, notamment dans le cadre du mécanisme d’ajustement, les Smart Grids offrent une alternative moins carbonée. Ils permettent, par des systèmes de télé-gestion, de communiquer en temps réel à des clients, particuliers mais surtout industriels les besoins locaux d’équilibrage du réseau en soutirage ou en injection. Le réseau, jusqu’ici descendant, devient participatif : les usagers sont appelés en fonction des besoins à activer des moyens de production décentralisés comme la micro-cogénération, à stocker de l’énergie ou à adapter leur consommation, en l’effaçant ou en contraire en consommant, c’est le principe de la demande active.

Le développement de ces flexibilités individuelles se heurtait jusqu’ici à la difficulté de leur donner une juste valeur, les gestionnaires de l’équilibre s’intéressant uniquement aux très gros acteurs. L’agrégateur se positionne alors comme intermédiaire entre les utilisateurs (logements, industriels, bâtiments tertiaires…), les marchés et le reste des acteurs du système électrique (producteurs, opérateurs de réseau ou responsables d’équilibre). Il centralise ces flexibilités diffuses pour créer un groupe cohérent, valorisable sur le marché d’ajustement, réservé aux grandes capacités. Lorsqu’il remporte une offre sur le marché, il ajuste en temps réel la demande et la production aux besoins du réseau sur le périmètre de son portefeuille. Il crée ainsi une flexibilité locale, comparée à une « centrale électrique virtuelle ».

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L’agrégateur Energy Pool, un pure player racheté en 2010 par Schneider Electric, est un pionnier du genre et aujourd’hui le leader européen de ce nouveau métier avec une capacité d’effacement de 1 000 MW. Il vise même 7 GW à horizon 2015-2016. Les acteurs traditionnels, via leurs activités de trading, d’opérateurs de réseau ou de fourniture s’intéressent à l’agrégation pour ne pas laisser à de nouveaux acteurs ce rôle de pilotage centralisé, au coeur du système électrique. Un opérateur de réseau de distribution comme ERDF surveille la naissance de ce nouveau métier, qui pourrait faire apparaitre de nouveaux acteurs de l’optimisation de l’équilibre. GDF Suez, EDF et Veolia s’intéressent à cette activité en synergie avec leurs offres de services énergétiques pour l’industriel et le tertiaire, portées par leurs filiales Cofely et Dalkia[1]>. Ces filiales disposent déjà d’un parc de sites de consommation et de production équipés de système de télégestion qui permettent d’optimiser leur gestion énergétique : elles souhaiteraient donc pouvoir proposer à ces sites de valoriser leurs flexibilités sur les marchés de l’énergie en profitant de l’intermédiation d’un agrégateur.

Les modalités de ce type d’offre restent cependant à construire. Les départements de recherche et développement de ces acteurs multiplient donc les démonstrateurs pour tester leurs solutions sur le terrain : c’est le cas par exemple de Veolia Environnement avec le projet REFLEXE sur la région niçoise, d’ERDF et de GDF Suez avec le projet Greenlys à Lyon et à Grenoble ou de GDF Suez avec Linear en Belgique. Tous ces projets couplent aux expérimentations techniques des études économiques et comportementales pour évaluer le potentiel de développement des flexibilités diffuses, grâce à leur agrégation : comment les utilisateurs réagissent aux stimulations et donc quelles sont les réels potentiels de flexibilités ? Quels modèles de partage de valeur sont possibles ?

Si les réponses à ces démonstrateurs sont encourageantes et si les pouvoirs publics se décident à encourager cette activité, elle pourrait se développer et se pérenniser sur la chaîne de valeur de l’électricité . Le rapport Poignant – Sido sur la « maîtrise de la pointe électrique» a reconnu la contribution des agrégateurs à l’équilibre offre-demande et formulé des propositions en faveur de leur développement, dont certaines reprises dans la loi NOME comme la mise en place d’un marché de capacité. L’émergence de ce nouveau marché, conditionné aux conclusions du débat sur la transition énergétique, peut être un levier fort de création de valeur pour les agrégateurs : il permet de donner une valeur financière à la capacité de flexibilité, qu’elle soit sollicitée ou non et obligera les fournisseurs à se doter, directement ou indirectement, de tels viviers de flexibilités.

 La première brique de la construction d’un marché de capacité vient d’être posée : le décret qui fixe son cadre général a été publié le 18 décembre 2012 au Journal officiel. Les règles seront ensuite précisées dans un arrêté, au deuxième semestre 2013, sur proposition du Réseau de transport d’électricité (RTE) et après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Le début légal de ce mécanisme serait prévu en novembre 2015, selon le ministère de l’Ecologie. 

[1] Dalkia, très convoitée par EDF et Veolia, provoque un conflit ouvert entre les deux géants pour son contrôle financier et managérial. Il les a mené devant le tribunal de commerce de Paris et l’affaire est en cours.