Le 3 juin dernier, dans un communiqué de presse, le président de la Métropole du Grand Paris, Patrick Ollier, s’est indigné de la décision du président des Etats-Unis d’Amérique, Donald Trump, de se retirer de l’Accord de Paris. Il a par la même occasion salué « la position constructive de certaines grandes villes des Etats-Unis (New York, Los Angeles, Houston, Pittsburgh, etc.) qui ont tenu malgré tout à réaffirmer leur engagement pour l’Accord de Paris ». Cette réaction est symbolique du fait qu’en France comme aux Etats-Unis, les métropoles, ayant gagné en capacité d’action, prennent désormais la responsabilité de mener la transition énergétique.
Dans un précédent article, nous avons vu que depuis 2010 le législateur s’est efforcé d’attribuer la prérogative des politiques énergétiques à la maille locale. En effet, la transition énergétique ne peut se concevoir sans une véritable responsabilisation des territoires. Dans ce vaste mouvement de décentralisation, la métropole[1] s’est donc vue confier le rôle de décisionnaire sur un grand nombre de sujets énergétiques et environnementaux.
Une légitimité claire, des compétences incertaines
Le Plan Climat Air Energie Territoriale (PCAET), fondement de la légitimité de la métropole
Les métropoles ont l’obligation de déterminer le PCAET qui doit être renouvelé tous les 6 ans. Celui-ci doit définir la stratégie des métropoles en matière d’amélioration de l’efficacité énergétique, de développement des énergies renouvelables, de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’engagement des actions de maîtrise de la demande en énergie et de lutte contre la précarité énergétique.[2] Il doit également prévoir un suivi et une évaluation des résultats.
Le PCAET doit donc faire de la métropole un acteur majeur de la transition énergétique en l’amenant à se doter de nombreux outils pour conseiller et accompagner les entreprises et les particuliers dans leurs efforts pour réaliser la transition énergétique.
Il est surtout l’occasion pour la Métropole de se placer au centre du jeu territorial. La « Métropole Européenne de Lille » l’a bien compris en réunissant pour l’élaboration de son PCAET l’ensemble des acteurs locaux (communes, entreprises, associations, bailleurs, citoyens, etc.) . De nombreuses métropoles suivent cet exemple.
Au-delà de la coordination entre acteurs, la Métropole assure aussi une cohérence entre les différents aspects de la transition énergétique. Outre les compétences Energie et Climat, la métropole dispose en effet également de prérogatives en matières de Mobilité, Habitat et Aménagement. Cette dimension transverse lui permettent d’agir avec crédibilité et efficacité sur tous les leviers de la transition énergétique : rénovation thermique, mobilité propre, énergies renouvelables, etc.
Ainsi, la métropole Aix Marseille a organisé pour la réalisation de son PCAET des ateliers portant à la fois sur la mobilité, le bâtiment, la consommation et le territoire. Elle a depuis mis en œuvre un dispositif complet qui va de l’aide d’acquisition de vélos à assistance électrique à l’équipement des foyers en chauffe-eau solaire en passant par l’installation d’un réseau étendu de chaleur bois.
Forte de ce rôle de planificateur et de coordinateur[3], la Métropole apparaît comme l’échelon le plus légitime pour mener la transition énergétique.
Des compétences qui restent floues.
Outre l’élaboration du PCAET, la loi MAPTAM (2014) a doté la métropole de compétences diverses mais dont le contenu reste majoritairement flou. Cette imprécision rend propice l’enchevêtrement des compétences.
La métropole, nouvelle reine du millefeuille territorial ?Cette absence de définition claire des compétences constitue un terreau fertile aux conflits politiques entre les différents échelons locaux. Les communes ont par exemple pour mission de mettre en œuvre un service public de la performance énergétique de l’habitat. Cette compétence existe aussi sous une forme similaire à l’échelon du département, en charge de la lutte contre la précarité énergétique. Or nous retrouvons bien, au niveau de la métropole, la compétence « contribution à la transition énergétique » ou « maitrise de la demande d’énergie » qui peuvent inclure cette responsabilité. Afin de se démarquer des autres échelons locaux, les métropoles vont donc devoir démontrer leur efficacité et leur savoir-faire.
La prétendante au trône doit d’abord conquérir l’expertise
Si la Métropole doit clarifier son positionnement par rapport aux communes sur quelques sujets (en premier lieu desquels la performance énergétique de l’habitat ou la production d’énergies renouvelables), c’est surtout vis-à-vis des syndicats d’énergie que se situent aujourd’hui les enjeux les plus importants.
Ces derniers s’inquiètent de l’influence croissante des métropoles. En effet, la loi autorise les métropoles à se substituer aux syndicats pour l’ensemble des compétences d’énergie. Certaines métropoles ont déjà franchi le pas à l’instar de la métropole de Grenoble qui a souhaité exercer pleinement son rôle d’Autorité organisatrice de l’énergie à la place du Syndicat d’énergie du département de l’Isère (SEDI).
Cependant, ce n’est pas le choix majoritaire. La plupart des métropoles continuent aujourd’hui de déléguer leur compétence énergie aux syndicats, leur reconnaissant une expertise qu’elles n’ont pas encore eu le temps d’acquérir. La Métropole du Grand Paris continuera ainsi de travailler avec les grands syndicats franciliens (SIPPEREC et SIGEIF), spécialistes des questions énergétiques, capables de mener une gestion opérationnelle indispensable aux territoires.
La longue tradition de délégation des compétences énergétiques par les communes a en effet permis aux syndicats d’acquérir un véritable savoir-faire en matière de concession des réseaux de distribution. C’est ce savoir-faire que les syndicats cherchent désormais à accroître en revendiquant de nouveaux rôles par exemple dans le cadre de la mise à disposition des données liées à la consommation d’énergie.
La métropole devra cependant proposer une véritable vision stratégique et planificatrice sur les questions de sécurité d’approvisionnement, de coordination des différents réseaux d’énergie, de la précarité énergétique, etc.
La commune délègue, la région coordonne… Et la métropole décide !
N’étant pas encore experte, la métropole doit néanmoins saisir – l’opportunité qui lui est faite pour mettre en œuvre des ambitions françaises en matière de transition énergétique qui pouvaient manquer de souffle jusqu’alors.
En 2009, les lois Grenelle I et II demandaient aux régions d’impulser des politiques énergétiques et environnementales locales en élaborant le schéma régional climat-air-énergie (SRCAE). Cependant ce document restait souvent très formel sans que soit déterminé des niveaux de priorité et sans définir précisément le rôle des autres niveaux de collectivités infrarégionaux. A ce jour, près de la moitié des régions n’a d’ailleurs toujours pas approuvé de schéma.
Ainsi les régions n’ont pas vraiment assumé leur mission de pilote dans le cadre de la transition énergétique. Il revient donc à la métropole d’assumer un rôle de décideur là où la région ne peut jouer qu’un rôle de coordinateur. La loi confirme d’ailleurs ce rôle stratégique de la métropole puisqu’elle demande à la région de soumettre le SRADDET (le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires) à la métropole pour avis. La métropole doit en retour veiller à ce que le PCAET soit en phase avec le SRADDET.
L’organisation des Plateformes territoriales de la rénovation énergétique (PTRE) instituées par la LTECV du 17 août 2015 illustrent également bien cette répartition des rôles. Le législateur a bien précisé ici que la région avait un rôle de coordinateur tandis que les métropoles seront en charge du déploiement. Ces plateformes doivent contribuer à un « service public de la performance énergétique de l’habitat ».
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En lui attribuant des compétences floues, la loi oblige les métropoles à trouver leur propre place et à démontrer leur expertise. Mieux armées que les communes, les métropoles peuvent mener avec efficacité la transition énergétique si elles décident de s’emparer de cette mission à bras le corps, mission que les régions n’ont pas dans le passé su ou pu complètement assumer. Elles devront travailler en bonne intelligence avec les syndicats d’énergie qui disposent d’un véritable savoir-faire. En revanche, il faut laisser le temps aux métropoles de bien comprendre les enjeux, d’acquérir l’expertise nécessaire et de clarifier leurs compétences.
En assumant un rôle de décideur, la métropole peut tirer parti de l’ensemble de ses compétences – mobilité, transport, énergie, aménagement, économie – pour transformer en profondeur le système énergétique. Au regard des nombreuses actions de diagnostic et de concertations menées par les métropoles pour définir leur plan d’action, tout laisse à penser qu’elles entendent jouer pleinement ce premier rôle.
[1] La métropole est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre créé par la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010. La métropole constitue un EPCI regroupant plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave qui forment, à la date de la création de la métropole, un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de plus de 650 000 habitants.
[2] La LTECV a également ajouté les objectifs liés à la réduction des émissions de polluants atmosphérique, au développement des réseaux de chaleur et à l’optimisation des réseaux de distribution d’électricité, de gaz et de chaleur.
[3] La Métropole se doit également d’articuler le PCAET avec les autres textes réglementaires tels que le Programme Local de l’Habitat (PLH) et le plan de déplacement urbain (PDU). Le PCAET a également une portée juridique sur le Schéma de cohérence territoriale (sCot) et le plan local d’urbanisme (PLU).