Les infrastructures disent beaucoup d’un pays et de son histoire. De tradition jacobine, la France s’appuie sur un réseau d’infrastructures patiemment construit. En 2019, la France occupait le 9e rang mondial du classement du World Economic Forum (WEF) pour la qualité de ses infrastructures. En baisse d’une place par rapport à l’année précédente. Plusieurs des indicateurs de qualité suivis par le WEF sont en effet en baisse depuis plusieurs années, que cela soit pour le ferroviaire, les routes ou encore les utilities. Des investissements sont donc nécessaires pour moderniser ces réseaux vieillissants tout en apportant des réponses aux besoins émergents, en particulier ceux liés à la transition écologique.
Le soutien aux investissements liés à la transition écologique représente d’ailleurs 30% du Plan de Relance sur les années 2020-2022. Dans cette enveloppe, les moyens consacrés à l’énergie et aux transports représentent plus de 16 milliards d’euros.
Comment faire face à cette nouvelle phase de modernisation des infrastructures, initiée et pilotée par la puissance publique ? Comment gérer avec efficacité ce « mur d’investissement » ?
Certaines recettes ont déjà fait leurs preuves, et notamment les contrats de concession, conclus depuis des siècles entre la puissance publique et des acteurs privés pour financer, développer et exploiter les grandes infrastructures. Ce « modèle concessif » représente-t-il une solution d’avenir pour répondre aux défis de notre temps ?
C’est à cette question que nous vous proposons de répondre dans notre nouvelle étude.
Pour la découvrir, nous vous proposons ici un extrait ci-dessous sur le service apporté à l’aménagement des territoires
Le modèle concessif a largement participé à l’aménagement du territoire national à travers le développement de grandes infrastructures. Solution performante de couverture des risques et de financement, la concession présente de nombreux avantages tant pour la puissance publique que pour les acteurs privés, ce qui explique sa longévité.
Un alliage public-privé
Définir la concession est un exercice en soi. La frontière entre la « régulation » d’initiatives privées par l’Etat et « l’allocation » de biens et de services directement opérée par la puissance publique n’est pas étanche. Le degré d’intervention de l’Etat est étroitement lié au contexte politique, social et économique. Il fluctue donc d’une période à l’autre. Et l’Etat dispose par ailleurs d’un continuum de solutions qui va de la « simple » édiction de règles de marché jusqu’à l’intervention directe de l’administration.
Différentes formes d’interventions publiques-privées existent, parmi lesquelles se distingue la « concession» : pour répondre à un besoin d’intérêt collectif, la puissance publique -le concédant, contractualise avec un acteur tiers -le concessionnaire. Ce dernier se voit confier exclusivement et temporairement le financement, le développement et l’exploitation d’infrastructures et les risques afférents. En l’échange, il se rémunère avec les revenus liés à l’exploitation.
Un modèle qui a traversé les siècles et construit la France
Sans remonter jusqu’à l’Empire romain qui attribuait déjà des concessions de travaux publics pour la construction des thermes, aqueducs, marchés ou postes, la concession a structuré le paysage français depuis le Moyen-Age.
Une solution performante de financement et de couverture des risques pour les acteurs
Le contrat de concession est un outil contractuel souvent adapté pour le financement et l’exploitation d’une infrastructure, qui nécessitent :
Un haut niveau d’expertise
Les pouvoirs publics n’ont pas toujours l’expertise nécessaire à la conception, au développement et à l’exploitation de grands services de réseau (gaz, électricité, eau...) et préfèrent donc sous-traiter l’activité.
Des besoins d’investissements élevés
La puissance publique fait financer un investissement par un acteur privé (avec éventuelles subventions). Elle permet ainsi aux citoyens d’avoir accès aux services liés aux infrastructures en limitant les dépenses publiques.
Une couverture des risques
La concession permet à la puissance publique de déléguer le(s) risque(s): risque de marché/d’exploitation (incertitude sur la demande, les coûts liés à la maintenance..), risque technique (immaturité, obsolescence…), risque financier…
Si les investissements et les risques sont limités, la puissance publique aura davantage intérêt à recourir à un simple contrat d’exploitation ou à reprendre la gestion de l’ouvrage en direct, plutôt qu’à s’appuyer sur un contrat de concession.
Quelle durée pour le contrat de concession ?
Schématiquement, la durée du contrat de concession est conditionnée par deux paramètres.
Plus le montant de l’investissement est élevé, plus la durée de la concession est longue pour permettre au concessionnaire d’amortir son investissement. Les pouvoirs publics montrent cependant de plus en plus de réticences à signer des contrats sur de longues durées qui leur laissent peu de marges de manœuvre en cas d’évolution forte du besoin ou de l’environnement. Cela peut conduire à signer des contrats dont la durée est inférieure à la durée d’amortissement des biens dits de « retour », qui reviennent obligatoirement à l’autorité concédante à la fin du contrat. Une indemnité de compensation est alors versée au concessionnaire.
Sur des activités peu matures, la visibilité des acteurs économiques est faible, incitant à réduire la durée de la concession (à moins que des clauses de revoyure soient introduites dès le début). L’équilibre du contrat peut en effet être bouleversé dans un sens ou dans l’autre : une rupture technologique rendra l’économie du contrat très (trop) favorable au concessionnaire, alors qu’à l’inverse, si le marché ne se développe pas tel qu’escompté au début du contrat, le concessionnaire se trouvera en déficit.
Après une construction et 200 ans de gestion sous le régime de la concession, l’État reprend en 1897 la propriété du canal du Midi et délègue sa gestion à un établissement public (Voies navigables de France depuis 1991). Les travaux autour du Canal étant complètement terminés et le recul sur ses conditions d’exploitation important, l’exploitation du canal ne demande plus d’investissements conséquents ni ne comporte de risques significatifs.
Une relation contractuelle gagnant gagnant
Pallier une incapacité de financement : La concession est en général un outil mis en œuvre par la puissance publique pour parer son incapacité à financer une infrastructure ou une exploitation.
Enrichir son patrimoine local : En fin de concession, les biens concédés, généralement financés par le concessionnaire, reviennent dans le patrimoine du concédant.
Garantir l’efficacité : Une entreprise n’entreprendra pas un projet s’il n’offre pas un retour sur investissement correct au regard des risques encourus. La concession est donc un très bon test de viabilité de l’opération.
Déléguer les risques : La collectivité transfère au concessionnaire les risques de construction et d’exploitation.
Conserver un pouvoir de contrôle : L’autorité concédante garde les facultés d’infléchir les orientations suivies par le concessionnaire dans l’intérêt du service délégué et conformément à la politique publique. La collectivité peut suivre l’atteinte des objectifs et elle peut éventuellement sanctionner les manquements.
Une visibilité sur le long terme : Les contrats de concession sont généralement conclus sur des durées suffisamment longues pour être attractifs. Cette attractivité est d’autant plus forte lorsque la concession porte sur une activité ou une infrastructure incontournables pour la pays (autoroutes, réseaux d’énergie…), garantissant au concessionnaire un certain niveau de revenus dans le temps. Le monopole accordé en général avec la concession participe également à cette visibilité.
Liberté de gestion : En contrepartie du service ou de l’investissement initial, une liberté de gestion est laissée au concessionnaire. Tant que l’objectif est atteint, l’administration n’a pas à se prononcer sur les procédés retenus.
Confiance et sécurité : Le rôle du concédant ne peut être joué que par un nombre limité de personnes morales : il s’agit principalement de personnes publiques et de personnes morales de droit privée soumise, financée ou contrôlée par une puissance publique. Ceci offre une garantie de solvabilité du partenaire avec lequel l’entité concessionnaire contracte.
Au-delà des co-contractants, le modèle concessif est un outil qui bénéficie plus largement à la société. Outre le développement des infrastructures et l’aménagement du territoire, la concession a plusieurs externalités positives : allègement de l’endettement de la collectivité publique, création d’emplois, garanties supplémentaires sur la viabilité économique et technique du projet et sur les modalités de gestion, savoir-faire de concédants éprouvés sur d’autres concessions… On lui reconnaît enfin de stimuler la concurrence lors des procédures de passation, l’exigence de qualité et le développement d’un tissu d’entreprises compétentes.
Vous pouvez lire la suite dans notre publication “Le modèle concessif : une histoire française, un modèle pour l’avenir ?“