Deux mois auront suffi à Emmanuel Macron pour affiner ses plans au sujet de l’avenir de la SNCF. Au cours du mois de juillet, le Président de la République avançait l’idée d’un « grand deal » lors d’une rencontre avec des salariés de l’entreprise : des réformes (portant sur le statut de cheminot, sur le régime des retraites, sur l’ouverture à la concurrence…) en échange d’une reprise de l’importante dette ferroviaire de la SNCF (à laquelle nous avions consacré un article). Il annonçait le jour même une grande loi d’orientation sur les mobilités pour le premier semestre 2018.
Celle-ci aura notamment pour ambition de définir les modalités de l’ouverture à la concurrence du TGV (service « commercial »), des TER et des Intercités (trains qui font l’objet de « conventions » entre la SNCF d’une part, et les régions et l’Etat d’autre part). Cette ouverture, prévue par le 4e paquet ferroviaire européen (adopté fin 2016), viendra parachever le mouvement de libéralisation du rail entamé au milieu des années 2000 avec l’ouverture du marché du fret ferroviaire, et poursuivi avec la libéralisation du transport international de voyageurs (3e paquet ferroviaire, 2007).
Le 4e paquet ferroviaire fixe les grandes échéances de l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs. En ce qui concerne les services commerciaux (TGV), la libéralisation devra être inscrite dans la loi au plus tard le 1e janvier 2019. Concrètement, cela signifie qu’à partir de janvier 2021, des opérateurs alternatifs pourront concurrencer la SNCF sur les liaisons TGV. Les services « conventionnés » seront quant à eux attribués à l’issue d’appels d’offres passés par l’Etat ou les régions à compter du 3 décembre 2019 (les conventions en cours devant arriver à échéance au plus tard au 31 décembre 2022). Le compromis européen introduit néanmoins la possibilité de recourir à des attributions directes des marchés (qui ont aujourd’hui cours entre les autorités organisatrices du transport et la SNCF) jusqu’en 2023 au plus tard. A noter par ailleurs que certaines conventions passées entre les régions et la SNCF prévoient d’ores-et-déjà la possibilité de mener des expérimentations de mise en concurrence ou d’exploitation en régie sur certaines lignes.
Le cadre général est donc connu, mais beaucoup reste encore à définir pour que le système ferroviaire puisse effectivement basculer du monopole d’Etat en place depuis des décennies vers un modèle concurrentiel. Tout d’abord, le 4e paquet introduit un certain nombre de régimes d’exception et laisse aux Etats des marges de manœuvre relativement importantes dans sa mise en œuvre. A titre d’exemple, la possibilité d’attribuer directement les services conventionnés jusqu’au 31 décembre 2022 pourrait avoir pour effet de reporter l’ouverture effective de ces services à 2033 (les contrats attribués pouvant avoir une durée maximale de 10 ans).
Au-delà du calendrier, ce sont les conditions mêmes de cette ouverture qui doivent être précisées. L’anticipation est importante pour qu’elle se fasse réellement au bénéfice des voyageurs et du secteur ferroviaire dans son ensemble. L’expérience de la libéralisation du fret ferroviaire doit servir de leçon. Insuffisamment préparée, elle avait conduit à un net recul des parts de marché de ce mode de transport de marchandises.
La question de l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs est épineuse car elle interroge l’avenir de la SCNF (qui reste aujourd’hui encore un établissement public) et de ses salariés. Nul doute que cette libéralisation contribuera à accélérer (mais jusqu’à quel point ?) la transformation d’un groupe se voulant toujours plus multimodal, digital et international. Mais ce qui est en jeu, c’est aussi l’avenir d’un mode de transport dont le rôle dans l’aménagement du territoire et l’évolution vers des mobilités décarbonées est central. Reste donc à savoir jusqu’à quel point le législateur national souhaitera aller loin (et vite) dans ce mouvement.
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