Fin 2017 a démarré en France en toute discrétion un nouveau projet de compteurs communicants. Après les compteurs eau, Gazpar et Linky, voici les « compteurs numériques », la dernière génération de compteurs électriques de la direction des Systèmes Électriques Insulaires (SEI) d’EDF, qui va concerner la Corse et les DROM. En tant, entre autres, que Gestionnaire de réseau de distribution dans les Zones Non Interconnectées (ZNI)[1], SEI est tenue, tout comme Enedis en métropole, de déployer des compteurs communicants sur son territoire, conformément aux articles L341-4, R341-4 et suivants du Code de l’énergie, qui prévoient que 100% des sites de puissance inférieure ou égale à 36kVa soient équipés de compteurs de nouvelle génération d’ici 2024. Comment ce déploiement va-t-il se dérouler ? Des difficultés d’acceptabilité sont-elles à prévoir ?

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Déployer progressivement 1,2 million de compteurs en s’adaptant à chaque territoire

Le projet de SEI vise à déployer 1,2 million de compteurs numériques évolués, utilisant la technologie CPL G3 (Courants Porteurs en Ligne de 3ème génération). Cette installation se déroulera entre 2018 et 2024 en Corse, Martinique, Guadeloupe, Guyane et à la Réunion. L’opérateur estime les investissements nécessaires (achats et pose des compteurs et des concentrateurs, systèmes d’informations) à 300 millions d’euros et les surcoûts temporaires sur ses charges d’exploitation à 12 M€ par an. Pour réaliser ce projet, EDF SEI devrait bénéficier d’un cadre de régulation incitative fondé sur les mêmes mécanismes que ceux des projets métropolitains en électricité et en gaz.

Le déploiement, adapté et piloté à l’échelle de chacun des 5 territoires concernés, est précédé d’une période de pré-déploiement qui s’étend de fin 2017 à fin 2018. Ce démarrage prudent vise à vérifier la compatibilité du système avec les différentes typologies d’habitat et situations caractéristiques des territoires, avant de tirer, en concertation avec les parties prenantes, un retour d’expérience qui nourrira le déploiement industriel, plus soutenu, à partir de 2019.

EDF faisant appel, en complément de ses équipes, à des prestataires externes, des retombées économiques positives pour les territoires sont par ailleurs attendues pendant toute la durée du déploiement. La pose des compteurs devrait en effet générer un volume d’activité pour plusieurs dizaines d’emplois de la filière électrique.

Être au service des territoires insulaires

Pour EDF, le compteur répond pleinement aux enjeux énergétiques des territoires insulaires, et c’est bien là – au-delà de l’application des textes réglementaires – sa raison première. Les Zones Non Interconnectées se caractérisent par leur fragilité énergétique et des coûts de production élevés. Dans ce contexte, les apports du comptage communicant sont plus évidents qu’en métropole, facilitant l’acceptation du dispositif : les acteurs locaux appréhendent facilement les apports du projet, ainsi que sa contribution à la transition énergétique et à la modernisation du système électrique des ZNI.

Concrètement l’installation des compteurs numériques devraient en effet permettre :

  • de réaliser une meilleure intégration des énergies renouvelables et des smart grids,
  • d’agir plus efficacement en faveur de la Maîtrise de l’Energie (MDE) et contre la précarité énergétique,
  • de dépanner plus rapidement les clients et de cibler les investissements sur un réseau long de 35 000 km de lignes.

A ce titre, le choix de la commune de St Georges de l’Oyapock pour devenir la première commune de Guyane   entièrement équipée de compteurs numériques est symbolique. Sur ce « Territoire à Energie Positive Pour une Croissance Verte » (TEPCV), EDF espère illustrer à l’échelle d’une commune entière l’intérêt des compteurs numériques à la fois pour les Clients et pour les décideurs de la commune. Ainsi, cette commune sera d’ici quelques années la première commune de France alimentée par un système électrique 100% énergies renouvelables.

La valorisation des avantages que présentent les compteurs numériques est par ailleurs facilitée par le caractère d’opérateur intégré de SEI. La direction assure en effet dans les ZNI la gestion du système électrique dans son ensemble : elle produit, achète, transporte, distribue et commercialise l’électricité. Elle assure donc le lien jusqu’au client final et peut lui proposer des offres et services exploitant l’ensemble du potentiel et des fonctionnalités de ces compteurs. SEI ne devrait ainsi pas pâtir de la séparation distributeur / fournisseur, difficilement compréhensible par le grand public, qui reproche régulièrement en métropole aux GRDs  de ne pas savoir faire la preuve de la valeur ajoutée des compteurs communicants, notamment en terme tarifaire. Dans les territoires insulaires, SEI pourra poser les compteurs et en même temps proposer à ses clients de nouvelles offres tarifaires ou des services de maîtrise de l’énergie.

Un déploiement qui prend la mesure du risque d’acceptabilité ?

Tout comme dans la construction du déploiement, la volonté de s’adapter à chaque territoire est très présente dans la stratégie de relations externes privilégiée par SEI. Pour le gestionnaire de réseau, ce déploiement s’inscrit en effet dans la mise en œuvre des Plans Pluriannuels de l’Energie (PPE), élaborés par les collectivités territoriales. Il s’appuie au maximum sur les parties prenantes locales : ces dernières sont écoutées et co-construisent le projet, notamment le plan de déploiement qui n’est aujourd’hui pas encore totalement arrêté : des marges de manœuvre existent par exemple pour avancer ou reculer la date d’installation des compteurs dans telle ou telle commune.

Autre axe fort de la stratégie de SEI : la non « marketisation » du compteur. SEI conçoit en effet le compteur numérique comme un compteur de nouvelle génération dans la ligne des évolutions technologiques précédentes. Il n’est doté ni d’un nom ni d’une couleur particulière. L’information autour des nouveaux services clients est également, dans un premier temps, limitée. Cette position se justifie d’autant plus que le déploiement en diffus commence simultanément à celui en masse : les compteurs posés en diffus dans des zones sans concentrateurs seront alors et pendant un certain temps non communicants, ne permettant pas d’offrir de suite les services attendus aux clients.

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Ces deux dernières orientations stratégiques, tout comme l’importance donnée par SEI au compteur comme réponse aux enjeux énergétiques insulaires, montrent que la direction a pris la mesure du risque important d’acceptabilité pour tout déploiement de compteurs. Cette prise de conscience et les orientations choisies éviteront-elles au projet toute difficulté ? Le déploiement massif n’a pas encore démarré, il convient donc de rester prudent. Le contexte externe est cependant aujourd’hui plutôt favorable. Le démarrage du déploiement s’est déroulé sereinement. Des actions d’information et de communication adaptées ont été mises en œuvre sur les territoires et ont globalement porté leurs fruits. Les quelques interrogations qui ont pu se faire sentir ici ou là ont été davantage liées à des contextes particuliers plutôt qu’à une opposition réelle et intrinsèque aux compteurs numériques. Les premiers signes sont donc encourageants quant à la capacité de SEI de mener à bien ce Programme Numérique aux bénéfices des territoires et de leurs habitants.

Démarrant après ses homologues de gaz, électricité et eau en métropole, le Programme bénéficie sans doute de leurs retours d’expériences, qu’il a intégrés dans sa propre stratégie de déploiement et de communication, ce qui très certainement contribue à ce début de déploiement serein.

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[1] Les ZNI regroupent la Corse, les collectivités d’outre-mer (Saint-Pierre et Miquelon, Saint Barthélémy et Saint Martin) et les quatre Départements et Régions d’Outre-Mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion)