L’engouement pour les objets connectés s’est fortement développé au début des années 2010 dans tous les secteurs : industrie, transport, santé… Le marché des Utilities est très en avance : poussés par les réglementations et les politiques publiques, les gestionnaires de réseaux d’eau et d’énergie ont développé rapidement des infrastructures permettant de déployer leurs compteurs communicants à l’échelle de l’hexagone.

Qu’est-ce que l’internet des objets ?

Selon l’Union internationale des télécommunications, l’Internet des objets (IdO ou IoT pour “Internet of Things”) est une « infrastructure mondiale pour la société de l’information, qui permet de disposer de services évolués en interconnectant des objets (physiques ou virtuels) grâce aux technologies de l’information et de la communication interopérables existantes ou en évolution ».

Plus simplement, nous appelons objets connectés des objets dotés de capteurs (consommation de gaz, d’eau, température, éclairage, volume sonore…) qui envoient les données collectées à un organe central à travers une infrastructure de réseau.

Quelles sont les technologies existantes et pour quelles applications ?

Il existe des dizaines de technologies différentes pour transmettre les données d’un objet à un organe central. Chaque technologie a ses particularités en termes de portée, de débit, de consommation d’énergie, de coût, de sécurité… Elles sont généralement catégorisées en deux grandes familles : les réseaux longue portée et courte portée, les usages qui en découlent sont bien différents.

  • Les réseaux courte portée sont utilisés pour transférer des données sur de faibles distances, principalement des objets connectés du grand public tels que des appareils de domotique ou de santé et ne sont pas étudiés plus en détail dans cet article.
  • Les réseaux longue portée peuvent faire transiter des données d’un appareil à un autre sur de longues distances (jusqu’à 50 km), ils sont généralement utilisés pour des projets grande échelle d’objets connectés. Parmi les technologies longues portées, deux sous-familles se distinguent :
    • Les réseaux cellulaires (GSM, 2G, 3G, 4G et dans les prochaines années 5G) permettent un fort débit de données mais ont cependant une forte consommation d’énergie et un coût d’infrastructure beaucoup plus élevé.
    • Les « Low Power Wide Area Network » (LPWAN) consomment peu d’énergie mais ne permettent pas de recevoir un grand volume de données par objet. Ce type de technologie est surtout utilisé pour des applications professionnelles, notamment dans celles de la “Smart City” comme la gestion de l’éclairage public et dans les compteurs communicants (même si Linky s’appuie sur des Courants Porteurs en Ligne (liaisons terrestres) et pas sur un LPWAN).

Les principales technologies utilisées en France sont résumées ci-dessous mais il existe beaucoup d’autres solutions ayant toutes leurs spécificités :

Le développement d’une infrastructure industrielle d’internet des objets par les gestionnaires de réseaux

Le coût d’installation un réseau LPWAN (Low Power Wide Area Network) est faible comparé à un réseau cellulaire car le nombre d’antenne à déployer pour couvrir une même zone est plus restreint. Les entreprises souhaitant déployer des appareils communicants à grande échelle peuvent se tourner vers la mise en œuvre d’un réseau privé. Ces entreprises peuvent ensuite louer un droit de passage sur leurs antennes à des sociétés tierces. C’est notamment le choix qu’ont fait les gestionnaires de réseaux de gaz et d’eau pour leur déploiement respectif de compteurs communicants.

Les compteurs d’eau communicants

Birdz, la nouvelle filiale de Veolia eau a passé le 6 millionième objet communicant délivré début 2018 dans le monde (tout secteur confondu : eau, déchet, énergie, pollution, bruit…) et a notamment installé un réseau pour connecter ses compteurs d’eau intelligents. Les relevés sont désormais automatisé pour près de 2 millions de compteurs connectés en France. La technologie déployée est semblable à celle de Sigfox avec une bande réseau à 868 MHz.

De son côté, Suez Environnement s’est associé à SFR pour déployer ses propres compteurs d’eau connectés dans le cadre de sa filiale Ondeo Systems. Le réseau radio associé s’appuie sur les bandes 169 MHz. Ils ont déployé 3 millions de compteurs connectés dont 1,5 millions en France.

Les compteurs gaz communicants

GRDF est en cours de déploiement des 11 millions de compteurs communicants gaz Gazpar qui exploitent la bande de fréquence libre de 169 MHz. Ce choix a aussi été motivé par le fait que les compteurs sont souvent situés en intérieur, voire au sous-sol et que la durée de vie souhaitée est de 20 ans ; ce que n’assurent pas toujours les réseaux Sigfox et LoRa.

L’Alliance Wize pour promouvoir la technologie 169 MHz en France et à l’international

GRDF, Suez et Sagemcom ont fondé l’Alliance Wize pour promouvoir leur technologie de communication, utilisée pour leurs compteurs. Si le paysage des alliances dans les IoT est déjà surchargé (LoRa Alliance, 3GPP, …), Wize insiste sur les points différenciant de sa technologie.

Spécialement conçue pour faciliter la mise en réseau d’objets connectés difficiles d’accès (objets isolés, enterrés…) et sans nécessité d’intervention humaine grâce à une très faible consommation d’énergie, les appareils connectés à Wize résistent 20 ans selon l’alliance, soit 5 à 10 ans de plus que les équipements de Sigfox et autres LoRa. En contrepartie, ils ne peuvent envoyer que de faibles quantités d’informations et sont dotés d’une antenne de cinq centimètres difficile à intégrer dans un produit design grand public. Cette technologie cible donc plus particulièrement le secteur des utilities, les villes et les industriels.

L’objectif de l’alliance est de maximiser le nombre de groupes qui utilisent ce système pour tirer les prix vers le bas. Elle souhaite aussi standardiser son système de communication basé sur la norme européenne[i] et le guide d’application de l’AFNOR (Association Française de Normalisation) et ainsi assurer une pérennité des investissements réalisés. Pour favoriser cette émulation, Suez met à disposition des entreprises qui lui demandent son réseau IoT, après étude des dossiers.

Quel business model pour les GRD ?

Pour l’instant, Suez et GRDF n’ont pas de business model lié à cette activité d’opérateur IoT mais plusieurs pistes sont étudiées pour tirer profit de leur investissement dans leur infrastructure de communication. Les gestionnaires pourraient par exemple proposer des services aux villes ou à des entreprises comme la surveillance de remplissage des conteneurs à déchets, la détection de la présence d’un véhicule sur une place ou dans un parking, la gestion du trafic ou de l’éclairage urbain… Par ailleurs, le savoir-faire développé depuis 10 ans grâce au déploiement de leurs compteurs communicants leur permettrait de proposer des services de conseil auprès d’entreprise souhaitant mettre en place leur propre réseau de communication longue portée notamment pour des projets de compteurs communicants.

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[i] En 2005, la Conférence européenne des administrations des postes et télécommunications (CEPT) consacre la bande de fréquence de 169 MHz à l’usage de la relève automatique et à distance des compteurs (eau, gaz, électricité, chaleur).