La réforme de la Contribution au Service Public de l’Electricité (CSPE), qui était dans l’air du temps depuis plusieurs mois, a été actée par les parlementaires lors de l’examen de la Loi de Finances rectificative pour 2015.

Instituée par la loi en 2003[1], la CSPE finance aujourd’hui encore le soutien aux énergies renouvelables (ENR), la cogénération, la péréquation tarifaire pour les zones non-interconnectées, ainsi que la tarification spéciale et les activités du Médiateur National de l’Energie (pour un montant total de 6,2 milliards d’euros en 2015). Arrêtée chaque année par le Ministre de l’Energie sur proposition de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE), elle représente plus de 15% de la facture des consommateurs d’électricité.

La réforme de la CSPE a pour objectif de lever les trois principales réserves qui pesaient jusqu’alors sur le dispositif :

  1. EDF, qui supporte l’essentiel des charges de service public de l’électricité du fait de son rôle d’opérateur historique, faisait notamment valoir que le montant de la CSPE ne lui permettait pas de couvrir l’intégralité des coûts supportés au titre de ce « service public de l’électricité. ». De fait, le montant du déficit cumulé par EDF est évalué à 5,8 milliards d’euros[2].

Un double phénomène est à l’origine de ce déséquilibre : d’un côté, les tarifs de rachat de l’électricité d’origine renouvelable (financés par la CSPE) ont tiré vers le haut les charges de service public de l’électricité à mesure que les ENR électriques se développaient. De l’autre, ces charges n’ont pu être intégralement couvertes car la loi plafonne à 3 €/MWh la hausse annuelle de la CSPE, dans le souci de préserver le pouvoir d’achat des ménages.

  1. Derrière ce premier constat en apparaît un second, en filigranes : le soutien financier au développement des énergies renouvelables ne repose dans son immense majorité que sur les consommateurs d’électricité. Autrement dit, les énergies carbonées (charbon, pétrole, gaz naturel) ne contribuent qu’à la marge à la politique nationale de transition énergétique.
  2. Dernière réserve, et non des moindres, notamment au regard du droit européen : la CSPE est un dispositif « extra-budgétaire », c’est-à-dire que le Parlement n’exerce aucun contrôle sur le montant et le recouvrement de la CSPE, alors que cette charge pèse sur la quasi-totalité des Français.

Une réforme ambitieuse

C’est à l’ensemble de ces problèmes que les parlementaires ont essayé d’apporter une réponse.

Les charges qui ne relèvent pas de la transition énergétique (budget du médiateur, cogénération, tarifs sociaux et péréquation tarifaire) seront désormais couvertes par la mission[3] « Ecologie, développement et mobilité durable ». Elles seront ainsi directement financées par le budget de l’Etat, ce qui donnera la possibilité au Parlement d’exercer son contrôle sur les crédits alloués.

Les dépenses de soutien aux énergies renouvelables seront pour leur part inscrites au sein d’un compte d’affectation spécial[4] « Transition énergétique » (qui lui aussi, fera l’objet d’un vote du Parlement). Dès 2017, ce compte sera abondé par une partie de la Taxe Intérieure sur les Consommations Finales d’Electricité – TICFE – ainsi que par la Contribution Climat Energie (dite « taxe carbone »), qui s’élèvera alors à 30,5 euros la tonne de carbone.

Les consommateurs d’électricité continueront donc de financer la transition énergétique, mais l’assiette de l’actuelle CSPE sera élargie aux énergies carbonées (charbon, pétrole, gaz), qui contribueront ainsi au développement des énergies renouvelables. Ce compte d’affectation spécial permettra également de financer le déficit cumulé d’EDF au titre de la CSPE sur la période 2009-2015.

Quels impacts directs pour les différents usagers ?

La refonte du dispositif de la CSPE se fera en deux temps. En 2016, la CSPE, désormais intégrée à la TIFCE (afin de permettre son contrôle par le Parlement), sera portée à 22,5€/MWh (soit une hausse de 3€/MWh). La facture d’électricité des ménages pourrait donc augmenter en conséquence.

En revanche, et dès 2017, ce montant de 22,5€/MWh devrait être stabilisé. Le basculement d’une partie de l’assiette de l’actuelle CSPE vers les énergies fossiles entraînera des transferts de charges entre consommateurs. Selon le rapport du Sénat, cette évolution entraînera une baisse annuelle de « 39 euros pour un ménage se chauffant à l’électricité et roulant peu avec un véhicule essence et une hausse de 75 euros pour un ménage domestique se chauffant au gaz et roulant beaucoup avec un véhicule diesel ». La réforme devrait donc stopper la hausse ininterrompue des charges de service public pesant sur les consommateurs d’électricité, même si elle se fera au détriment d’autres consommateurs.

Les opérateurs de gaz et les pétroliers regrettent en effet que le financement des énergies renouvelables électriques repose sur les consommations d’énergies fossiles, déjà soumises à des taxes spécifiques (TICPE, taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel, contribution au service public du gaz…). Ces acteurs font valoir qu’indirectement, le consommateur de gaz ou de pétrole paiera, via sa facture, pour le consommateur d’électricité.

L’UFC – Que choisir partage également ces inquiétudes en faisant valoir qu’au-delà de la question du transfert de charges entre consommateurs, la réforme de la CSPE ne sera pas neutre d’un point de vue technologique. En conférant un avantage comparatif aux énergies renouvelables électriques, elle orientera la recherche vers ces ENR et pénalisera d’autres solutions (le biogaz, par exemple) [5].

En revanche, les entreprises électro intensives, qui bénéficiaient d’un plafonnement de la CSPE pour préserver leur compétitivité, et qui avaient exprimé leurs inquiétudes lors de l’examen du texte, ont été entendues, puisque le collectif budgétaire a prévu l’instauration de tarifs réduits de l’électricité qui permettront la neutralité de la réforme pour ces industries.

La réforme de la CSPE ne fait donc pas que des heureux, mais a au moins le mérite de répondre aux critiques qui lui étaient jusqu’alors adressées. Elle doit surtout être replacée dans le contexte plus général de transition énergétique, qui à terme, mènera la France vers un modèle décarboné… quitte à bouleverser certains équilibres.

[1] Loi relative aux marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie

[2] Audition de Jean-Bernard Lévy en commission d’enquête relative aux tarifs de l’électricité à l’Assemblée nationale le 18 février 2015.

[3] La mission regroupe un ensemble de crédits votés en loi de finances et attribués à un ou plusieurs services d’un ou plusieurs ministères.

[4] Un compte d’affectation spécial retrace des opérations budgétaires financées au moyen de recettes dédiées à la couverture de dépenses identifiées au préalable.

[5] www.actu-environnement.com/ae/news/reforme-cspe-elargissement-assiette-25329.php4