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A l’occasion des élections municipales des 23 et  30 mars 2014, les candidats rivalisent d’inventivité sur le développement durable avec une récurrence grandissante des  projets de « ville intelligente », terme de plus en plus présent dans les programmes.

L’écologie, un thème incontournable pour tout candidat sérieux aux élections municipales

Structurellement, les municipalités ont la mainmise sur plusieurs outils administratifs, à savoir les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (Scot) qui peuvent agir sur l’environnement.

Depuis les dernières élections, en 2008, l’influence quasi religieuse du mouvement écologique s’est ressentie de façon plus ou moins bienveillante dans la société civile via des injonctions variées et parfois incantatoires. Le développement durable se décline dans des propositions qui brassent, pêle-mêle, circulation douce, recyclage, économies d’énergies, cantines bio, rénovation thermique, espaces verts, végétalisation et autres écoquartiers vertueux.

Quelques mesures emblématiques

A Rennes, la candidate socialiste propose des « trames vertes » et des « mobilités agréables ». A Lyon, le candidat UMP Michel Havard souhaite lancer un vaste programme de plantations d’arbres. A Nice, Patrick Allemand (PS) veut une ville « durable et conviviale », avec un tramway en surface, de l’intermodalité, des zones 30, un plan anti-bruit et un guichet unique sur la transition énergétique.

A Paris, il est prévu de développer les énergies renouvelables photovoltaïque grâce au cadastre solaire parisien réalisé par l’Atelier Parisien d’Urbanisme (Apur), qui mesure le potentiel de chaque emplacement en  KWh/m2/an, à la demande de la Direction des espaces Verts et de l’environnement et l’Agence d’écologie urbaine de la Ville de Paris. L’Apur propose également une carte thermographique. Enfin, Patrick Rimbert, maire de Nantes, « capitale verte de 2013 » selon l’Union européenne, a été désigné  « meilleur maire pour le développement durable » par l’Express malgré le véritable schisme causé dans la région par le futur aéroport du Grand Ouest Notre-Dame-des Landes. Quel que soit le point de vue adopté par les parties prenantes, l’écologie n’est pas un sujet anodin et ne laisse plus indifférent.

Au-delà de ces mesures exemplaires, une nouvelle tendance de fond émerge : les « smart cities », ou « villes intelligentes », sont l’objet des propositions de nombreux candidats. Véritables projets ou promesse de tract n’engageant que les électeurs qui les reçoivent ? Les implications futuristes des smart cities possèdent un intérêt économique et politique certain.

La ville intelligente, discussion au cours d’un concept

La ville intelligente consiste à incorporer les technologies numériques au sein des structures urbaines, ce qui donne lieu à de nombreux développements qui sont encore au stade expérimental et à des questionnements de tout ordre. Ainsi, l’ouvrage d’Anthony Townsend, Smart Cities – Big Data, Civic Hackers, and the Quest for a New Utopia  a été très remarqué récemment car il ne se contente pas d’une analyse techniciste, mais livre une vision globale sur l’économie politique sous-jacente à ce nouveau trend. Anthony Townsend a d’ailleurs publié cet ouvrage dans le cadre de ses travaux à l’Institute for the Future, think tank de recherche et de forecasting stratégiques basé à Palo Alto, qui a créé le MMOG (Massively Multiplayer Online Game) Makercities.com où le joueur peut créer sa smart city dans un esprit de crowdsourcing et d’évangélisation.

L’auteur part de la multiplication des capteurs dans les villes et de la part de plus en plus importante des composants microprocesseurs, qui représentent désormais 1% à 3% du budget global du secteur de la construction, pour décrire les applications possibles de la « ville intelligente » qui repose sur l’internet des objets, les interactions possibles entre l’administration, les citoyens et les entreprises grâce à l’expansion d’internet et des smartphones. Les principales propositions concernent la gestion du trafic, la dématérialisation, l’exploitation des données, la qualité de vie ou la compétitivité grâce à des applications et des guichets uniques pour les entreprises et les citoyens.

Il remarque également que le modèle de départ de la smart city est le modèle traditionnel de planification urbaine « top-down » vertical de l’administration vers ses administrés, promu par des entreprises comme IBM, Siemens et Cisco qui y voient un marché porteur, ainsi que des opérateurs de télécommunications. La transversalité entre des entreprises et des secteurs autrefois cloisonnés est un aspect clé des villes intelligentes : utilities (GDF Suez, Veolia…), transports (ADP, SNCF, RATP…), automobile, IT (IBM, Cisco…), télécoms (Orange Smart Cities)… sont amenés à collaborer dans le déploiement de grands projets.

Cependant, la flexibilité et les greffes de projets en aval des « entrepreneurs sociaux » (les civic hackers) sont à présent possibles dans les nouveaux réseaux urbains. Ce mouvement est comparable aux débuts d’Internet car son principe moteur réside dans le décloisonnement et dans l’ouverture aux reconfigurations.

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Quelle acceptabilité publique pour les villes intelligentes en France ? Cette question se pose dans le cadre des municipales mais également à long terme.

Intuitivement, on pourrait discerner dans le futur des villes intelligentes l’émergence d’une nouvelle forme du lien entre les Français et l’Etat : en effet, une particularité culturelle française réside dans la croyance en un Etat performatif et dans la représentation collective d’un Etat fort et organisateur. Il sera donc intéressant d’observer « l’hybridation de  l’espace » étatique et d’Internet, ainsi que les synergies et l’appropriation qui en résulteront pour les citoyens, en lien avec la transformation anthropologique liée à l’ère de l’information.

Plus généralement, le mobilier urbain, de simple décor passif par essence, se transforme en support interactif, donc en médium politique au sens étymologique d’organisation de la Cité. Cette projection du virtuel dans l’espace public est une conséquence tentaculaire inédite d’internet. Loin du vert paradis idéal et surconnecté, cela pourrait dériver vers une dystopie panoptique. Les questions de respect de la vie privée, liée à l’exploitation massive des données collectées, sont d’ailleurs récurrentes.

Des expérimentations se multiplient dans le monde, que ce soit à Seattle, Helsinki, Southampton… et en France.

A Issy-les-Moulineaux, le projet Issy Grid est soutenu par Microsoft qui y possède son siège français. A Lyon, le projet de « smart community » du maire Gérard Collomb dans le quartier Confluence, une ancienne friche industrielle, fait figure de modèle, avec une gestion intelligente de la consommation d’énergie et des déchets. A Paris, la candidate PS Anne Hidalgo prévoit d’investir un milliard d’euros dans la ville numérique. Heureusement, les solutions « smart city » ne sont pas nécessairement coûteuses. Dans les premiers classements sur les smart cities françaises, les métropoles côtoient des villes moyennes.

Les traductions de la smart city sur trois grands secteurs : mobilité, utilities et urbanisme

Un grand nombre d’applications relatives aux villes intelligentes concernent la mobilité. Ainsi, la start-up californienne Streetline a développé un service de stationnement intelligent : des capteurs dispersés dans l’espace urbain communiquent des données sur les places libres au smartphone de l’utilisateur, qui peut également utiliser l’application pour payer sa place et éventuellement payer un prolongement de son temps de stationnement sans devoir retourner à son véhicule. Des solutions d’e-ticketing pour les transports en commun sont également dans les tiroirs, ainsi que des systèmes d’appel automatique des urgences par e-call qui seront bientôt obligatoires dans tous les véhicules.

Les smart grids des utilities sont surtout développés dans les compteurs à eau : Veolia possède pour l’instant le plus grand parc de compteurs communicants en France. Ce parc devrait bientôt être dépassé par les 11 millions de compteurs Gazpar de GrDF et par les 35 millions de compteurs Linky d’ERDF qui couvriront à terme tout le territoire français.

Une expérimentation remarquée en France est la mise en place de l’un des tous premiers « boulevards numériques » à Nice, boulevard Victor Hugo, où des capteurs collectent des données sur l’environnement urbain comme l’éclairage, la pollution ou les déchets et les restituent sous licence libre Open Data. Ce projet a été intégralement financé par Cisco en association avec plusieurs start-ups spécialisées, et il est possible d’y ajouter en aval des projets privés. Un autre exemple typique est la vidéosurveillance qui pourrait intégrer des boutons d’appel d’urgence, comme proposé par les candidats aux municipales à Marseille.

Ainsi, sur fond de crise économique et en mal de promesses, les candidats ont ravivé les ambitions de concrétisation de la smart city.

Voici les principales propositions estampillées « villes intelligentes » des deux principaux candidats des trois plus grandes villes françaises en nombre d’habitants où l’on peut observer la prépondérance des applications en matière de sécurité et de transports intelligents, ce qui correspond  à l’enquête TNS/ 3M de juillet 2013 sur les attentes des Français au sujet des villes intelligentes.

Villes Propositions PSPropositions UMP

Paris

Maire sortant :

Bertrand Delanoé (PS)

Candidate : Anne Hidalgo

Candidate : Nathalie Kosciusko-Morizet

  1. Extension du réseau Paris Wifi
  2. Installation d’écrans interactifs dans l’ensemble des arrondissements
  3. Systématisation de l’open data
  4. Nomination d’un « responsable ville intelligente »
  5. Faire travailler ensemble les différents réseaux de la ville
  6. Investissement dans les énergies de récupération
  7. Mutualisation des antennes radio
  8. Création d’une autorité métropolitaine organisatrice des réseaux

 

  1.  Renforcer l’efficacité énergétique des bâtiments publics
  2.  Améliorer l’efficacité de l’éclairage urbain grâce à la mise en place d’un réseau de capteurs
  3.   Accessibilité et simplification avec un pass unique
  4.   Stationnement : miser sur les nouveaux trottoirs intelligents
  5.   Développer une plateforme de transports alimentée par des solutions de « transports intelligents »
  6.   Pollution de l’air : développer un grand réseau de capteurs de pollution à Paris
  7. Circulation : centre pilote de logistique pour réduire le trafic automobile et la pollution urbaine

Marseille

Maire sortant :

Jean-Claude Gaudin (UMP)

 

Candidat : Patrick Mennucci

Candidat : Jean-Claude Gaudin

  1. Mise à l’étude du renouvellement progressif du système de distribution d’électricité pour l’éclairage public et la signalisation sur la base des techniques du smart grid
  2. Extension de la vidéo verbalisation
  3. Développement une application permettant de signaler les problèmes de voirie de son quartier
  4. Développement du wi-fi dans les parcs
  5. Développement d’une application sur les services publics marseillais
  6. Développer l’open data de la mairie
  1. Installation de boutons d’alerte seront installés sur les mâts des caméras de vidéosurveillance
  2. Application « Marseille sécurité » lancement d’une alerte en « deux simples clics
  3. Dématérialisation de certains services
  4. Création d’un e-guichet municipal en appui des dispositifs d’accueil des bureaux municipaux de proximité.
  5. Facilitation de l’accès direct aux documents d’urbanisme et  l’émission de certificats en ligne
  6. Labellisation nationale de Marseille au titre de French Tech et des « quartiers numériques

Lyon

Maire sortant :

Gérard Collomb (PS)

Candidat : Gérard Collomb

Candidat : Michel Havard

  1.  Wifi en ville et 4G dans les stations de métro.
  2.  Services numériques de la ville avec des guichets unifiés
  3.  Application smartphone pour permettre à chacun de signaler les problèmes de voirie et de propreté
  4. Premier GPS multimodal avec prévision du trafic à une heure.
  5. Intégration du piéton dans les applications smartphone.
  6. Voitures électriques en libre service dès 2020.
  7. Nouvelles démarches de participation : conférences de citoyens, serious games, e-participation
  8. Expérimentation de la « maison intelligente », une alternative aux maisons de retraite
  1. Application “Alerte SOS” sur téléphones portables destinée à alerter les services de police en cas de danger
  2. Implantation du stationnement intelligent  dans les quartiers à forte densité de flux automobiles.
  3. Gestion intelligente des feux de circulation
  4. Création du ticket/abonnement numérique, sur téléphone mobile pour les transports
  5.  Information des voyageurs en temps réel via le nouveau portail Lyon en Direct
  6.  Mise en œuvre d’un ”cockpit”, plate-forme numérique intégrant la logique du guichet unique
  7. Soutien au développement de la filière “robotique personnelle et de service” sur trois segments : assistance à la personne en perte