Identifier de nouveaux moyens de réaliser des économies devient prioritaire pour le monde agricole, confronté à une équation économique difficile. Si les enjeux de dépendance énergétique et d’impact environnemental sont posés depuis longtemps, une question, jusqu’alors mise de côté, pourrait devenir centrale : comment placer l’efficacité énergétique au cœur des pratiques agricoles ?

Qu’entend-on par efficacité énergétique ? C’est l’ensemble des technologies et pratiques qui conduisent à une diminution de consommation d’énergie, tout en conservant le même service : il s’agit de « faire mieux avec moins ».

L’agriculture ne représente que 3% de la consommation totale d’énergie en France. Pourtant, si l’on se place à l’échelle de l’agriculteur, l’efficacité énergétique n’est pas une question annexe : leur facture énergétique représente entre 10 et 25% des charges variables d’une agriculture, et près de 65% de cette facture est liée au carburant. Dans une filière où les subventions sont vitales pour 50% des agriculteurs, nul doute que la question de l’efficacité doit être posée. Les cultures non subventionnées se font rares, et les économies provenant de l’efficacité énergétique sont autant d’opportunités pour les aider à mieux vivre de leur métier.

Ajoutons que l’efficacité énergétique n’est pas qu’un problème économique : c’est aussi une question environnementale de s’attaquer aux 4 millions de tonnes équivalent pétrole émis chaque année par la filière (consommation de fioul, gaz, et d’électricité).

Quelles sont alors les solutions d’efficacité énergétique dans l’agriculture ? Permettent-elles de répondre aux enjeux économiques des agriculteurs ? Ces solutions sont-elles pertinentes ou contraignantes pour eux. Est-ce alors une priorité ?

Pour répondre à ces questions, l’ADEME s’est penchée sur la question de l’efficacité énergétique et a proposé 2 scénarios :

  1. Le scénario tendanciel, avec les meilleures technologies disponibles et à iso-production, permettrait une réduction de la consommation d’énergie de l’agriculture de 17% à l’horizon 2035 et de 26% à l’horizon 2050 ;
  2. Le scénario volontariste, fondé sur la Stratégie Nationale Bas Carbone permettrait une réduction de la consommation d’énergie de 23% à l’horizon 2035 et de 43% à l’horizon 2050. Ce scénario implique une modification importante des productions agricoles, couplée à la contribution d’énergies renouvelables et de matériaux biosourcés.

Pour diffuser largement les solutions possibles d’efficacité énergétique du secteur agricole, l’ADEME met en avant deux axes complémentaires : le changement des comportements et le changement des équipements.

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Ces scénarios permettraient de réaliser des économies d’énergie significatives. Cependant, dans un contexte économique déjà fragile pour les agriculteurs, comment investir dans des équipements moins énergivores, dans des formations, des sensibilisations pour changer les usages ? Cette phase de transition, notamment son coût, pourrait être un frein. Pour se lancer dans une telle entreprise, les agriculteurs auront sans doute besoin d’avoir une meilleure visibilité de la faisabilité et des coûts associés.

Des résultats encourageants d’expérimentations à faire connaître pour lancer la dynamique

Pour amorcer cette réflexion, la première étape est de diagnostiquer précisément ce qui est énergivore. On distingue principalement trois sources de consommation :

  • Le carburant des engins agricoles ;
  • Le chauffage et la ventilation des bâtiments d’élevage (porcs, volailles et bovins) ;
  • Le chauffage des serres maraichères et horticoles.

La deuxième étape est de mettre en place une expérimentation, afin d’illustrer avec des chiffres concrets les gains qui peuvent être réalisés. Chambres d’agriculture France[1] a ainsi accompagné plusieurs agriculteurs, en proposant différentes solutions d’efficacité énergétique :

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Des éleveurs d’une exploitation de 600 veaux dans le Béarn ont par ailleurs pu faire baisser leur facture de 5 000€ en changeant leur comportement et en investissant dans une nouvelle chaudière :

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Ces exemples (disponibles ici) qui nécessitent d’être adaptés à chaque situation, font tout de même ressortir deux grands principes :

  • Connaître et maîtriser ses consommations pour instaurer des changements d’usage et de comportement : axe qui pourrait être assez facilement adopté et finançable si les agriculteurs sont sensibilisés aux enjeux ;
  • Installer des équipements performants et économes en énergie : cet axe nécessiterait de faire des investissements, des études d’impacts plus précises, et de connaître le seuil de rentabilité de nouveaux équipements.

Devenir des acteurs de la transition énergétique

La hausse des prix de l’énergie conjuguée à la prise de conscience collective de notre impact sur l’environnement amène à donner encore plus d’importance à la question de l’énergie dans l’agriculture. L’efficacité énergétique n’est qu’une première étape pour les agriculteurs qui sont amenés à jouer un rôle dans la transition énergétique.

Les agriculteurs ont notamment leur place dans la production d’EnR pour tenir l’objectif de 40% de renouvelable dans le mix énergétique d’ici 2028[2] : la France est occupée par 50% de surfaces agricoles et les agricultures disposent d’un patrimoine mobilisable important comme les toitures de bâtiments ou les déchets méthanogènes.

D’après l’ADEME, en 2015, la contribution directe et indirecte du secteur agricole à la production d’énergies renouvelables était de 4.6 Mtep. Cette production représente donc déjà près de 20% de la production nationale des EnR (tout EnR, hydroélectricité comprise) et un développement très important est attendu. De nombreuses possibilités existent entre biomasse (biocarburants, biométhane, cogénération, bois) et mise à disposition de surfaces pour accueillir éolien et photovoltaïque.

La méthanisation, notamment, pourrait aider les agriculteurs à devenir plus autonome en énergie. Avec toute une filière qui se met en ordre de marche pour développer le biométhane (voir notre étude détaillée sur le sujet ici), les agriculteurs ont une réelle carte à jouer, avec à la clé des productions énergétiques qui peuvent devenir conséquentes :

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Les agriculteurs qui ont déjà une activité à plein-temps, auront sûrement besoin d’être accompagnés, ne serait-ce que pour intégrer cette nouvelle activité à part entière. Se pose alors la question de savoir qui est le plus à même d’aider la filière sur ces questions énergétiques. A ce titre, citons l’exemple de l’alliance formée entre GRDF et la coopérative agricole Oxyane, qui vise à réaliser des études d’opportunité de développement d’installations de méthanisation. Financées par l’ADEME[3], ces études répondent à une forte attente des agriculteurs et pourraient permettre à certains de passer le cap et d’investir pleinement dans la méthanisation.

Pour aller plus loin :

[1] Source : agricultures et territoires, chambres d’agriculture en France, 2015

[2] Source : Programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2023 et 2024-2028

[3] Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie