Évoquée à de nombreuses reprises depuis des années pour être mieux repoussée, la réforme du stockage du gaz a finalement été adoptée le 30 décembre 2017 à la faveur de la loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures. L’enjeu de cette réforme est de remédier aux difficultés récurrentes rencontrées pour remplir les stockages de gaz durant « l’été gazier » (de début avril à fin octobre), difficultés qui faisaient peser une menace sur l’équilibre du système énergétique français dans son ensemble.

Le stockage du gaz permet en effet de se prémunir d’une rupture d’approvisionnement en gaz mais également en électricité, pouvant par exemple découler d’une forte demande liée à des températures rigoureuses. Lors de l’hiver 2016-2017, alors que de nombreuses capacités nucléaires étaient à l’arrêt, les centrales à cycle combiné au gaz ont été très sollicitées pour permettre au pays de passer les pointes de consommation électrique, faisant redouter une pénurie de gaz.

Un marché impuissant, des obligations administratives inefficaces  

En théorie, le stockage du gaz pourrait être assuré par le simple jeu du marché, les acteurs ayant intérêt à s’approvisionner en gaz lorsque la demande est faible (et les prix bas) et à vendre lorsqu’elle s’emballe et tire les prix vers le haut. Dans les faits, les surcapacités actuelles de gaz (qui s’expliquent notamment par le déversement sur le marché mondial de la manne des gaz non conventionnels nord-américains) conduisent à réduire l’écart-prix entre l’hiver et l’été, et l’intérêt du stockage pour les opérateurs avec lui. C’est pourquoi les fournisseurs d’énergie se voyaient jusqu’à présent imposer par le ministère de l’énergie des obligations individuelles de stockage particulièrement complexes et peu lisibles, à souscrire auprès des opérateurs Storengy (filiale d’ENGIE), TIGF ou Géométhane. Par leur rigidité, ces obligations avaient le double inconvénient de ne satisfaire ni les acteurs du marché, ni les niveaux requis pour assurer au pays la sécurité de son approvisionnement.

La solution ? Réguler le marché du stockage

L’article 12 de la loi mettant fin à la recherche et à l’exploitation des hydrocarbures introduit un nouveau mécanisme d’enchères de type « fixing » (voir schéma ci-dessous) placé sous le contrôle de la Commission de Régulation de l’Énergie (le mécanisme pourrait évoluer dans les prochaines années). Concrètement, les opérateurs de stockage proposent des « lots » (la période d’attribution des lots 2018-2019 s’est achevée jeudi 29 mars) sur lesquels les fournisseurs se positionnent en indiquant la capacité de stockage désirée et le prix associé. Si la demande est insuffisante, les capacités restantes sont attribuées au prix de réserve de… 0 euro.

L’objectif est donc bien de maximiser les capacités de stockage souscrites, au détriment, s’il le faut, des recettes découlant des enchères. Les opérateurs de stockage sont incités en ce sens en étant autorisés à conserver 5% du montant total des enchères dès lors que leurs capacités sont intégralement réservées. Leurs coûts sont par ailleurs couverts par un revenu régulé du stockage de gaz. Sur le modèle du complément de rémunération, un « terme tarifaire » comble l’écart (qu’il soit négatif ou positif) entre les recettes des enchères et le revenu défini par la CRE. Ce « terme tarifaire » est répercuté sur le tarif d’accès des tiers au réseau de transport de gaz, et donc in fine sur les consommateurs.

Comment marche une enchère de type fixing ?

Le type d’enchère à fixing correspond à une enchère où les acteurs transmettent leur courbe de demande, composée de couples quantité-prix, aux opérateurs pour un produit de stockage donné durant le même créneau, sans tours d’enchère successif. Ce mécanisme permet une allocation simple et rapide des capacités de stockage.

Le prix d’adjudication correspond au prix le plus élevé en dessous duquel la demande est supérieure ou égale à l’offre. Les quantités sont d’abord allouées aux demandes à des prix supérieurs au prix d’adjudication, ce qui permet d’optimiser la valeur ajoutée des stockages (valeur ajoutée appréhendée à travers le prix proposé par l’enchérisseur).

Conclusion

Avec cette réforme, la contribution du stockage du gaz dans la sécurité d’approvisionnement du pays est donc garantie par un mécanisme de marché s’inscrivant dans un cadre régulé, sous le contrôle de la CRE, en lieu et place d’obligations s’imposant aux fournisseurs d’énergie, gérées au niveau ministériel. Ce nouveau système régulé permet d’apporter de la flexibilité aux acteurs de marché tout en sécurisant le système dans son ensemble. Dès l’hiver prochain, l’objectif de 138 TWh de stockage (soit 100% des capacités remplies) fixé par la programmation pluriannuelle de l’énergie sera atteint. Cela correspond à une hausse de 50% du stockage par rapport à 2017 pour une addition totale de 715 millions d’euros (à un coût supplémentaire de 35 millions d’euros).

Plus généralement, à travers cette réforme, c’est l’idée d’une complémentarité croissante entre les infrastructures de gaz et d’électricité qui continue de faire son chemin. Cette complémentarité est au service de la sécurité d’approvisionnement, nous l’avons vu, mais également du stockage des énergies électriques renouvelables, de l’émergence du gaz vert et du développement des smart grids… En bref, du système énergétique de demain.