Toutes les revues scientifiques en ont parlé ces dernières années, nourrissant un immense espoir dans un cristal au nom énigmatique. La pérovskite, minéral à l’aspect métallique, fait l’objet de toutes les attentions de la communauté scientifique depuis la découverte de ses caractéristiques photovoltaïques hors-normes. Les publications se succèdent, annonçant des records qui en appellent d’autres. Si la filière est aujourd’hui encore au stade de la recherche, il n’en demeure pas moins qu’une commercialisation pourrait arriver très prochainement, comme l’a annoncé la start-up Oxford Photovoltaics[1] qui envisage une arrivée sur le marché à partir de 2017. Que peut on espérer d’une telle annonce ? Quelles sont les grandes étapes qui restent encore à franchir ? Petit tour d’horizon des arguments qui expliquent pourquoi on déroule le tapis rouge à un minéral a priori banal…

L’énergie solaire : une place encore discrète

La pérovskite

Avant toute chose, rappelons la part de l’énergie solaire dans le mix énergétique : à fin 2014, 1% de l’électricité produite dans le monde provenait des panneaux photovoltaïques. Ce chiffre peut sembler bien faible. Cependant, ce qui est le plus significatif pour la filière, c’est le rythme de sa croissance : sur les 177 GW de puissance installée dans le Monde à fin 2014, 39 GW l’ont été au seul titre de l’année 2014. Entre 2005 et 2012, la puissance photovoltaïque installée dans le Monde à été multipliée par 17. A titre de comparaison, la puissance installée totale (toutes sources confondues) n’a augmenté que de 1,3 sur cette même période. Le photovoltaïque, bien qu’encore discret, va jouer un rôle grandissant à l’avenir, allant jusqu’à représenter, selon les prévisions de l’Agence Internationale de l’Energie, 400 à 500 GW installés en 2020.

Le silicium : technologie phare du photovoltaïque

Il existe sur le marché différentes technologies de panneaux solaires. Comme le montre le graphique ci-dessous, l’une d’entre elle s’accapare un quasi-monopole : avec plus de 89% de part de marché, la cellule silicium s’est imposée sur la marché comme la technologie phare du secteur. Le silicium, élément le plus abondant dans la croute terrestre après l’oxygène, a été étudié pendant plus de 30 ans afin d’en améliorer le rendement, le coût de fabrication et la résistance à l’usure. Si le silicium n’est pas la filière qui présente le meilleur rendement, c’est en revanche celle qui présente le meilleur compromis technico-économique. Tout n’est pas qu’une affaire de rendement : d’autres technologies comme les cellules multi-jonction affichent de bien meilleurs performances que le silicium, mais à des prix qui limitent leur utilisation à des secteurs très confidentiels, comme par exemple le spatial.

 Une croissance inouïe

Inutile de chercher dans le graphique ci-dessus la filière perovskite : et pour cause, elle n’est pas encore sortie des laboratoires. Le perovskite, minéral relativement abondant à la surface de la Terre, est bon marché et connu depuis plus de 170 ans. Ses qualités « photovoltaïques » sont en revanche le fruit d’une découverte très récente.

En étudiant de près ce minéral, les scientifiques ont eu la bonne surprise de découvrir des qualités exceptionnelles, avec par exemple une capacité d’absorbation des photons 10 fois supérieure au silicium, ainsi qu’une très bonne faculté à séparer les charges. Mais ce qui impressionne le plus, ce n’est pas tant les qualités du minéral, que la rapidité avec laquelle les chercheurs ont obtenu des bons résultats : pour comprendre l’engouement du monde scientifique pour les pérovskites, il faut s’intéresser à la rapidité des rendements obtenus. Plus de trente ans de recherche ont été nécessaires pour voir le silicium atteindre le record de 25,7% de rendement. En seulement 6 ans, les pérovskites ont plus que quadruplé leur efficacité pour atteindre 20%.

C’est là une des raisons qui explique pourquoi les tous regards sont tournés vers cette technologie : jamais une telle croissance de rendement n’a été observée pour une filière photovoltaïque.

Une facilité de fabrication pour un coût modéré

Un autre atout de taille à compter en faveur des cellules pérovskites : la facilité de fabrication. Pour extraire le silicium depuis le sable de silice, il faut suivre un processus sidérurgique exigeant de se trouver en salle blanche. La pérovskite s’obtient beaucoup plus facilement, en dissolvant dans un simple bêcher le sable avec un solvant organique. Avec une telle différence dans le procédé de fabrication, on peut facilement imaginer un coût bien plus faible pour produire les cellules pérovskite.

Difficile cependant de prédire avec exactitude à combien reviendront les panneaux perovskite, d’autant plus que la phase industrielle n’a pas encore commencé.

Reste qu’avec un matériau bon marché et un processus de fabrication très simplifié, les experts estiment que les panneaux pérovskites pourraient coûter environ 5 fois moins cher que pour le silicium[4] . C’est un écart considérable, qui viendrait bouleverser le marché de l’énergie et donner un élan formidable à la filière. Aujourd’hui, de nombreux experts débattent pour savoir où et quand le photovoltaïque a atteint la parité tarifaire. Avec un coût 5 fois moins élevé que pour les panneaux silicium, les cellules pérovskites pourraient faire raccourcir drastiquement la durée de ces débats…

L’épreuve de l’industrialisation

Si certains experts anticipent déjà une industrialisation pour 2017, de nombreux obstacles restent à contourner.  Comme le montre le graphique comparant l’accroissement des rendements entre silicium et pérovskites, les 5 premières années sont souvent marquées par des progrès significatifs. Pour le silicium, les années qui ont suivi ont formé un long palier au cours duquel aucun progrès n’a réellement été fait en terme de rendement.  La technologie perovskite va t’elle suivre le même chemin ? Ce qui est sûr, c’est que pour espérer une commercialisation prochaine, les chercheurs vont devoir se pencher sur d’autres critères que le rendement.

En effet, les derniers records des cellules pérovskites ne doivent pas faire pour autant oublier les étapes qui restent à franchir. Tout d’abord, les cellules qui ont battu les records font toutes moins d’1cm2. Ce sont des démonstrateurs, dont le principal intérêt est de pouvoir maitriser un procédé de fabrication et de valider le rendement associé. Produire un module plus grand amènera sûrement d’autres problèmes qui sont aujourd’hui inexistant à cette petite échelle.

Ensuite, les pérovskites présentent deux problèmes marquants : elles sont solubles dans l’eau et se dégradent à partir de 40°C. Impossible donc en l’état de concurrencer le silicium, dont la durée de vie est de 25 ans. Les chercheurs, en multipliant les concepts et les approches, n’ont pas uniquement comme objectif l’accès à des rendements toujours plus hauts : ils cherchent également à contourner le problème d’usure qui en l’état n’est pas acceptable pour le marché. Par ailleurs, lorsque l’on s’intéresse aux atomes qui constituent la perovskite, il est difficile d’ignorer la présence – certes minime – de plomb. Faux problème pour certains vu les quantités, il n’en demeure pas moins que cet élément fait peser un risque important sur l’avenir de la filière. L’arrivée de normes environnementales bannissant définitivement l’emploi du plomb aurait pour effet de marquer un coup d’arrêt à la filière, d’autant plus quand on connaît la solubilité des pérovskites… Un effort de recherche supplémentaire est nécessaire pour donner les conditions de remplacement des atomes de plomb, ce qui pourrait complexifier le processus de fabrication et élever son prix.

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[1] http://www.oxfordpv.com/

[2] http://www.photovoltaique.info/Les-types-de-modules.html

[3] http://www.nrel.gov/ncpv/

[4] http://phys.org/news/2013-08-perovskite-cheaper-silicon-based-solar-panels.html