L’énergie au Mexique en quelques chiffres clés

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Pendant de longues années, le système énergétique mexicain a été dirigé par l’État et dominé par le pétrole. Ce dernier a progressivement perdu son élan, et fin 2018, le pays qui était l’un des principaux exportateurs mondiaux d’or noir il y a 15 ans est devenu importateur net. La compagnie pétrolière nationale Petróleos Mexicanos (PEMEX) n’a pas été en mesure de réaliser les investissements nécessaires pour freiner la baisse de la production pétrolière ; un facteur qui, outre la baisse du prix du pétrole, explique en partie la diminution du solde commercial énergétique qui est passé de 25 milliards $ en 2011 à seulement 325 millions $ en 2015.

Le secteur énergétique mexicain a également été secoué par une réforme audacieuse, lancée en 2013 dans le cadre d’un effort plus large de modernisation et de diversification de l’économie du pays et d’amélioration de la compétitivité de son industrie. L’une des pierres angulaires de la réforme est l’ouverture du secteur de l’énergie aux investissements privés et internationaux en mettant fin aux monopoles des diverses entreprises publiques.

L’objectif global est de créer un secteur énergétique plus durable, efficace, transparent et productif, d’accroître les bénéfices tirés des importantes ressources en hydrocarbures du pays, tout en encourageant le développement des énergies renouvelables dont le potentiel est immense.

Rencontre avec Romain Casenave, chef de projet chez Engie pour connaître les impacts 6 ans après le lancement de cette réforme ambitieuse.

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La réforme énergétique de 2013, le renouveau du secteur énergétique mexicain

Outre des investissements dans le secteur pétrolier et gazier, les principaux bénéfices attendus par la réforme énergétique de 2013 sont une plus rapide substitution des énergies fossiles par des énergies propres, une génération d’électricité plus efficiente et moins chère, et un marché de l’énergie compétitif avec l’arrivée d’entreprises privées pour le développement de nouvelles capacités.

Pour atteindre ces objectifs, plusieurs outils ont été implémentés :

  • Création d’un marché global de l’électricité en 2016 pour concurrencer CFE [1]
  • Lancement d’appels d’offres long termes pour réduire les coûts de génération d’électricité
  • Création de certificat d’énergie propre (CEL) permettant le développement des énergies renouvelable. La loi impose un minimum d’achat de 5% d’énergies propres (renouvelable, cogénération efficace, et thermique avec capture du carbone et nucléaire) par les fournisseurs. Ce taux allant augmenter progressivement.
  • Ouverture à des Power Purchase Agreement (PPA)
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Depuis 2016, trois appels d’offres ont été lancés. Ils ont généré un investissement de 8,6 milliards de dollars et 7,4 GW de capacité d’énergie propres. Le coût du MWh d’énergie a chuté de 56% entre le premier et le dernier appel d’offre. Le 4ème appel d’offre devait avoir lieu en décembre 2018 mais a été suspendu par le nouveau président Andrés Manuel Lopez Obrador.

Par ailleurs, un nombre significatif d’entreprises internationales se voyant imposer certaines contraintes sur la structure de leur capital ne sont pas capables de participer aux appels d’offres long termes dont les prix contractualisés sont très bas. Le prix du solaire photovoltaïque a notamment atteint un record mondial lors du troisième appel d’offre. Les Power Purchase Agreement (PPA) – contrats d’énergie de long terme signés de gré-à-gré entre un producteur d’énergie et un consommateur professionnel – sont une autre alternative pour ces entreprises. Ce modèle, signé en complète indépendance de CFE, permet aux industriels de se protéger de toute fluctuation de prix et de prendre des engagements dans le développement des énergies renouvelables.

Une diversification du mix électrique

En plus d’avoir ouvert la porte à de nouveaux entrants la réforme énergétique a eu un impact significatif sur la diversification du mix énergétique. La moitié des 16 GW de capacités supplémentaires installées entre 2012 et 2018 proviennent de sources d’énergies propres. Les appels d’offres sont un moyen efficace d’atteindre l’objectif du pays de 35% d’énergies renouvelables d’ici 2024. Ces nouvelles capacités sont mises en production à partir de 2019.

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En 2016 et 2017, Engie a décroché 6 projets de production d’énergie renouvelable dans les appels d’offres à long terme du Mexique : 4 parcs solaires d’une capacité totale de 744 MW et 2 fermes éoliennes d’une capacité totale de 153 MW.

Pour garantir la sécurité énergétique du pays et une meilleure stabilité du réseau de distribution, certains acteurs du secteur demandent cependant des appels d’offres spécifiques par technologie afin d’outrepasser l’argument unique du prix. Cela permettrait de développer également des énergies telles que la géothermie et l’hydroélectricité dont les temps de développement sont plus longs et l’investissement initial plus important.

Une montée en puissance du gaz naturel

Comme démontré lors des appels d’offres nationaux, les énergies renouvelables sont compétitives face aux technologies conventionnelles en raison de la réduction des coûts de production des composants du solaire PV et de l’éolien. Cependant, l’intermittence reste le talon d’Achille de ces énergies. Le développement du gaz apparaît comme essentiel pour gérer l’injection grandissante de sources intermittentes.

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Malgré une baisse de 49% de la production domestique de gaz naturel depuis 2010, la consommation du Mexique n’a jamais été aussi haute. Les ressources du pays pourraient alimenter cette demande croissante mais le gaz naturel Américain, très bon marché, est pour l’instant préféré au développement des ressources domestiques. Face à ce gaz pas cher, le Mexique investit dans l’extension de son infrastructure de transport de gaz. À fin 2019, le Mexique espère avoir doublé ses capacités d’import depuis les États-Unis par rapport à 2015.

Présent depuis 20 ans au Mexique, Engie gère le système de transport de gaz privé le plus long avec ses trois gazoducs qui s’étirent sur près de 1 300 kilomètres et a un grand projet d’extension de pipeline de 300 km afin de pouvoir alimenter l’état du Yucatan. Par ailleurs, via sa filiale locale, l’entreprise dessert plus de 435 000 clients et espère doubler son portefeuille d’ici 2022.

Le gaz se positionne comme la ressource de la transition énergétique du Mexique en remplacement de produits pétroliers plus polluants et en appui au développement des énergies renouvelables.

Une réforme en péril ?

Bien que les effets de la réforme tardent à se faire sentir pour le consommateur final, la mise en production imminente de nombreuses capacités renouvelables accordées lors des trois appels d’offre va s’en doute permettre d’y remédier.

Cependant, avec l’arrivée au pouvoir du président Obrador fin 2018, des incertitudes quant à la continuité de la réforme règnent. Des processus importants pour le développement de nouvelles infrastructures de génération et transmission ont été suspendus, et la nouvelle administration aura le dernier mot.

Le pays s’attend à une hausse de 3% par an de la consommation entre 2018 et 2032 ce qui demanderait une augmentation des capacités de 67 GW. L’instabilité règlementaire du au changement d’administration pourrait mettre en péril la satisfaction de la demande croissante en énergie et l’atteinte de l’objectif de 35% d’électricité d’origine renouvelable d’ici 2024.

[1] CFE : Comision Federal de Electricidad, entreprise de production, transport et distribution d’électricité détenue par l’état mexicain.